Panhard Junior, une américaine à Paris.... Depuis longtemps on admire cette petite découvrable quand on en voit une, et dieu sait que ce n’est pas si souvent !
L’Amérique et les roadsters
Nous sommes au tout début des années 50 et différents facteurs vont se combiner pour donner naissance à notre auto du jour.
Tout d’abord, du côté du quai d’Ivry, on lorgne vers les Etats-Unis d’Amérique, premier marché automobile du monde, pour vendre le seul modèle de la marque : la Dyna X. Sa conception originale, ses dimensions réduites et son design « Louis XV » feraient d’elle une auto atypique capable de séduire l’américain (citadin) rêvant du raffinement européen. Par contre, l’auto est inconnue là-bas.
Ça tombe bien, le directeur des exportations de Panhard reçoit une demande très particulière venant de New York. J-B Fergusson, patron de la société New Yorkaise Fergus-Motor a fait une étude de marché. Elle montre que les jeunes américains aisés, ceux qui fréquentent les universités, seraient intéressés par une petite voiture européenne, découvrable, assez performante, et qui resterait tout de même relativement économique.
Il tente en fait de trouver sa propre alternative aux roadsters anglais, MG TD en tête, qui débarquent par bateaux entiers aux USA. Il a d’ailleurs déjà pris contact avec Austin, souhaitant réaliser une auto sur la base d’une A40. C’était en 1949, cela n’a pas abouti, mais il veut tout de même continuer dans son idée.
Chez Panhard, l’idée séduit. On pourrait tout à fait utiliser la base mécanique de la Dyna X, sa structure est moderne et son moteur, même de toute petite cylindrée pour les standards américains, est à la fois puissant et frugal.
Il commence d’ailleurs à se faire un nom dans des petits coupés sportifs… et Panhard voit là une manière d’avoir sa part du gâteau.
Les deux firmes se mettent d’accord. Panhard supervise l’étude mais c’est bien Fergusson qui va la financer.
Le bureau d’étude étant surchargé chez Panhard, on définit les bases mécaniques et on va faire étudier la carrosserie à l’extérieur. C’est un partenaire de la marque qui va s’en charger : la Société Industrielle Aéronautique et Automobile de la famille Di Rosa qui habille déjà les autocars et camions Panhard.
C’est Albert Lemaître, dessinateur maison, qui va créer les premières lignes de ce petit roadster qui est présenté à Jean Panhard fin mai 1951. Le dessin est simple et rustique. La carrosserie réalisée en alu ne possède qu’une portière côté conducteur et le coffre à bagage est recouvert par une longue tôle arrondie et on y accède en basculant la banquette !
Le pare-brise est rabattable et l’avant se pare de deux phares plus deux autres intégrés au bout d’une calandre qui ressemble à celle d’une 4L de 2e génération (avec 20 ans d’avance).
Le projet est suffisamment avancé pour que Panhard ne valide le tout, sous réserve d’améliorer grandement l’auto. Un des points tient notamment à la carrosserie qui devra redevenir en acier afin de baisser les coûts.
Des photos sont prises et envoyées à Fergusson qui fait réaliser des dessins grandeur nature qui demandent une grosse évolution du style. Alors même qu’on commence le travail, Ferguss-Motor se retire du projet. L’argument avancé est étonnant : les jeunes américains meurent à la guerre en Corée, il est donc inopportun de leur proposer une voiture plaisir. Un aveu d’échec…
Pourtant, l’aventure ne s’arrête pas là !
La Panhard Junior redevient française
Panhard décide de reprendre le travail et d’intégrer cette auto à sa gamme française.
Et il va même falloir aller très vite puisqu’on doit présenter l’auto dès le salon d’Octobre 1951 ! Il ne reste que quelques semaines et, chez Di Rosa, les dessinateurs et tôliers sont rappelés en urgence, en plein milieu de leurs vacances !
Finalement naît la Panhard Junior. Elle reprend en fait une appellation déjà utilisée par la marque sur une Dynamic X77 en 1936 et 1937. Elle est bien présentée au salon de Paris 1951 accompagnée d’un tract réalisé au plus vite avec un dessin d’Alexis Kow fait dans les ateliers Di Rosa !
L’auto fait sensation avec un style plus affirmé que sur les premiers prototypes. La filiation avec la Dyna X est évidente puisqu’elle en reprend la calandre. L’auto est basse et large, même si les dimensions sont, en fait, très mesurées. L’intérieur est sommaire, les performances sont très correctes et le prix est agressif. Il faut dire que ce cabriolet est vendu moins cher que la berline !
Par contre, pour le prix de base, Panhard ne fournit ni la housse de capote, ni le chauffage, ni les contre-portes… mais on peut toujours les commander en option !
Les premières commandes arrivent et il faut déjà se mettre en ordre de marche pour lancer l’industrialisation de la voiture.
Un succès qui précipite une faillite !
L’industrialisation va poser des problèmes. C’est Di Rosa qui devra s’en charger et on lui commande la réalisation de 500 autos. Un chiffre qui peut paraître faible mais qui demande à la SIAA d’acheter de l’outillage et de louer de nouveaux locaux.
Le vrai souci, pour Di Rosa en tout cas, c’est la cadence de production. Il s’avère que la Panhard Junior est un succès qui dépasse les attentes et que le carrossier n’arrive pas à suivre. Il demande à Panhard de contribuer financièrement à son agrandissement tandis que la marque choisit plutôt de retirer ses billes et de déménager la fabrication des Panhard Junior dans son usine d’Orléans à l’hiver 1953.
Di Rosa ne s’en remettra pas, la firme SIAA fermera quelques semaines plus tard mais la famille finira par obtenir, en justice, le versement de gros dédommagements de la part de Panhard.
Dans tout ça, la Panhard Junior est donc un succès et, une fois l’industrialisation réglée, on s’attaque au développement du petit roadster. Au printemps 1953 les livraisons reprennent tandis que la voiture fait le tour des salons automobiles. Elle finira même par atteindre les USA à la fin de l’année 1953.
On note également la présence de quelques autos en compétition. Des autos courent sur circuit, réalisant de belles performances, loin des D.B et autres Monopole évidemment. À la fin de l’année 1953, une Panhard Junior termine ainsi 14e du Tour de France, rendant le modèle éligible au Tour Auto moderne.
Cette année là on va également élargir la gamme. D’abord on propose une banquette à trois places à l’avant en modifiant le châssis. Côté mécanique on propose les Panhard Junior 5CV et 5CV Sprint avec le moteur porté à 851 cm³.
Surtout le roadster est complété par une Panhard Junior Cabriolet.
Le pare-brise est alors fixe et des vitres descendantes sont intégrées aux portières. Par contre, la capote est toujours aussi basse et empêche les plus grands gabarits de s’installer dans l’auto, tandis que son dessin n’est pas des plus réussis.
En 1954 la Panhard Junior va connaître sa dernière évolution. Tandis qu’on arrête les versions 4CV avec le moteur 745 cm³, on propose, en option, un surpresseur MAG permettant de porter la puissance du 851 à 60ch. La petite auto file alors à 145 km/h !
Surtout, elle se démarque esthétiquement. La calandre de la Dyna est abandonnée pour une ouverture ovale barrée par une lame en alu. Le pare-chocs est modifié avec des butoirs plus grands tandis que le tableau de bord gagne un 2e cadran.
Un arrêt décidé « d’en haut »
Alors que la Panhard Junior voit sa gamme se réduire, Citroën rentre au capital de la doyenne.
L’absorption n’est pas encore totale mais elle influe quand même sur les choix industriels du quai d’Ivry. Même si les chevrons n’ont pas de modèle concurrent dans leur gamme, ils décident d’arrêter la Panhard Junior en 1956, alors même qu’on préparait déjà sa relève !
Ce sont alors 4708 autos qui sont sorties des lignes en 4 ans, bien plus que les 500 modèles lancés initialement… et probablement moins que ce qui aurait pu être fait aux USA !
La Panhard Junior de nos jours
Même si la Panhard Junior a eu un succès à l’époque, sa production reste faible. Surtout, c’est une auto qui a 70 ans et toutes ne sont pas arrivées jusque nous ! Le plus dur sera donc d’en trouver une.
Ensuite, c’est une auto prisée, plutôt recherchée car c’est le seul roadster/cabriolet de la gamme classique de la marque (hors réalisations artisanales donc) à ne pas être une berline décapsulée.
Du coup cela se ressent sur les prix : vous n’en trouverez pas de beaux exemplaires à moins de 20.000 € et les Panhard Junior en état concours peuvent même approcher et dépasser les 28.000 € !
À ce jeu, toutes les versions se valent plus ou moins. Les roadsters ont un petit avantage mais certains préféreront un cabriolet 5CV. Enfin, les premières versions à calandre de Dyna X seront plus « authentiques » pour d’autres. Bref, tous les goûts sont dans la nature.
Source : newsdanciennes.com-Auto Plus Magazine
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