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Gordini, l’héritage sportif de la marque Renault
Avec près de 200.000 véhicules mis au point en 20 ans pour Renault, Amédée Gordini a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire sportive de la marque.
Né en 1899, à peine 1 an après la commercialisation de la toute première Renault, Amédée Gordini prouve son génie de la mécanique dès son adolescence.
Montrant d’abord ses talents de mécanicien sur des monoplaces, il permit à Renault de placer quatre R8 Gordini aux 1ère, 3ème, 4ème et 5ème places du tour de Corse en 1964.
En 1966 la version 1300 inaugure la Coupe Gordini : la R8 Gordini fera vibrer les amateurs de conduite sportive pendant toute une décennie.
Gordini, la griffe chic et sport de la gamme Renault Sport
Avec des finitions élégantes et des codes design visuels forts, la griffe Gordini capitalise sur l’expertise reconnue de Renault Sport et réinterprète les valeurs.
Pour refaire du mythe Gordini une réalité, Renault s’est naturellement appuyé sur Renault Sport Technologies (RST). La filiale sportive de Renault assure avec succès l’héritage Gordini au travers de deux expertises reconnues : la compétition automobile et le développement de dérivés sportifs.
Vic Elford : « C’était certes plus dangereux de faire Le Mans en 917 que d’aller sur la Lune, mais je n’ai jamais eu l’envie d’aller sur la Lune ».
L’action se déroule courant 2019, à l’occasion de l’une des réunions de membres du club de Goodwood, en Angleterre. À l’invitation de Porsche, Vic Elford est présent, mais à 84 ans, il se déplace difficilement et économise ses forces. Je l’aborde pour tenter de prendre un café en sa compagnie.
Cher Monsieur Elford, puis-je m’asseoir à votre table ?
(Faisant non avec sa canne) Non, non, appelez-moi Vicky ! Je m’ennuie, ça vous dit que l’on aille voir les voitures dehors ?
Avec plaisir ! Je ne me suis pas présenté : je suis rédacteur en chef du magazine AUTOhebdo…
(Il bascule sur le Français. Ndlr)
Ah, la France. J’adore la France !
Pourquoi cet amour ?
J’avais une bonne mémoire, aussi l’apprentissage de la langue m’est vite venu, et j’ai pu sympathiser avec beaucoup de pilotes français. Je ne sais pas pourquoi. Lucien Bianchi, par exemple, était un grand ami, et Gérard Larrousse demeure encore aujourd’hui mon meilleur ami. Porsche recherchait un pilote français. Ils voulaient Jean-François Piot, qui était mon meilleur ami à l’époque, mais j’ai dit à Porsche pour qui je travaillais déjà : « Non, ce n’est pas lui le meilleur, c’est Larrousse ! ».
Depuis 50 ans, il vient me rendre visite en Floride, et moi chez lui dans le sud de la France.
(Nous sortons de la structure Porsche, puis il s’arrête pour regarder au loin quelques instants).
Vous semblez fasciné par cet hélicoptère en train de se poser sur le terrain d’aviation du circuit…
J’ai adoré piloter des avions, et lorsque je vivais en Angleterre, je venais souvent ici par les airs. J’aime voler.
Vous y voyez des parallèles avec le pilotage d’une voiture de course ?
Absolument. L’engagement, la concentration, l’équilibre, j’ai adoré mon petit Cesna, lequel était vraiment facile à manier. Je ne me souviens plus en quelle année j’ai débuté… j’étais déjà chez Porsche…
Oui, c’est même sûr, car je me souviens d’un trajet Londres-Stuttgart pour retrouver Ferdinand Piëch (alors responsable de la compétition. Ndlr), et ensuite nous étions allés à Zell am See (lieu de la maison familiale des Porsche, en Autriche. Ndlr).
Comment tout cela a commencé ?
Lorsque mon père m’a emmené voir le Grand Prix de Grande-Bretagne, en 1949. C’était l’un des premiers d’après-guerre (le deuxième. Ndlr). Je devais avoir 12-13 ans, et quand j’ai vu ces F1 débouler dans Hangar Straight, j’ai instantanément décidé de devenir pilote de course.
Mes parents n’avaient vraiment pas beaucoup d’argent, nous n’avions même pas de voiture.
Sans vouloir vous assommer avec le récit de votre carrière, vos faits d’armes – victoires au Rallye Monte-Carlo 1968, à la Targa Florio, au Nürburgring, 4e à Rouen en F1 en 1968 – disent que vous avez été plus qu’un simple pilote de course…
En 1967, alors champion d’Europe des Rallyes, vous faites le choix de passer aux épreuves sur circuit. Pourquoi ?
Inversons le raisonnement : pourquoi ai-je fait du rallye ? Parce qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en Angleterre, il n’y avait pas encore vraiment de courses.
C’étaient surtout des compétitions entre gentlemen, or mes parents étaient relativement pauvres, comme la majorité des gens à cette époque. Je voulais être pilote, mais je ne voyais pas comment le devenir. Alors j’ai commencé par être copilote en rallye… puis, pilote lorsque l’occasion s’est présentée. Remporter des rallyes a été une étape importante dans ma vie, car j’ai réalisé quelque chose : je ne voulais pas participer, je voulais gagner. Pour preuve, quand j’ai arrêté de piloter, j’ai voulu jouer au golf.
Et quand j’ai compris que je ne gagnerais jamais au golf… j’ai arrêté le golf (rires). Début 1967, alors que je suis hospitalisé à Stuttgart à cause d’un souci de santé assez grave, et avant que je ne parte pour Varsovie (Pologne. Ndlr), ville de départ que j’avais choisie pour le Monte-Carlo – j’y adorais l’ambiance, la gentillesse des gens, la beauté des filles et des routes, l’absence de limitation de vitesse et de policiers – Huschke von Hanstein (alors patron de la compétition chez Porsche. Ndlr) est venu me rendre visite à l’hôpital et m’a demandé : « Vicky, mon garçon, as-tu déjà pensé courir en circuit ? ».
Ce à quoi j’ai répondu : « J’y pense depuis que j’ai 9 ans ! ». Et il m’a dit : « Ok, je pense que tu pourrais commencer à la Targa Florio », car c’était comme du rallye, avec de belles routes de montagne… mais avec des protos. Ce qu’il ne savait pas, c’est que j’ai une excellente mémoire visuelle, si bien que dès ma première venue à la Targa Florio, j’en connaissais presque tout le tracé par cœur. La première année, je finis 3e au général et m’impose l’année suivante.
Une chose en poussant une autre, lentement, le circuit est devenu plus important que le rallye à mes yeux. J’ai une autre anecdote, mais il faut me dire si je parle trop…
Surtout pas ! Continuez !
Il y a environ deux ans, Gérard Larrousse et moi étions invités au Tour de Corse Historique, et j’ai réalisé quelque chose : durant des années, les gens me demandaient si je préférais le circuit au rallye. Honnêtement, pendant des décennies, je n’ai pas su répondre à cette question.
Je disais « parfois l’un, parfois l’autre ». Et là, j’étais tellement dans mon élément, à conduire sur ces si jolies routes, libre, que j’ai finalement trouvé la réponse : le rallye !
Vous n’avez jamais été dans une école de pilotage, faute de moyens. Alors comment avez-vous appris ?
À l’instinct ?
Je suppose. Je ne sais pas, ça s’est produit comme ça. J’aimais beaucoup l’Endurance, ce qui permettait d’apprendre, de tester des choses. Je me souviens de mes premières 84 Heures du Nürburgring, en 1966, sur une Ford Lotus Cortina avec Jochen Neerpasch. Nous avions mené durant 72 heures avant que la voiture ne casse, ce qui était fréquent chez Ford… et c’est ce qui m’a poussé à partir chez Porsche et de l’emporter l’année suivante avec la 911 et sa transmission automatique.
Cette course m’a permis d’apprendre par cœur le circuit et de m’y imposer plus tard en Sport Proto. Parce que j’étais déjà pilote de rallye, l’équipe me faisait rouler la nuit, sous la pluie, dans le brouillard. C’était génial. Au final, je connaissais le prénom de chaque brin d’herbe du circuit.
Comment est née votre histoire avec Porsche ?
Comme je l’ai dit, à partir de 1966, je voulais à tout prix quitter Ford et ses problèmes à répétition. J’avais alors deux choix : Porsche ou Alpine. Au fond de moi, je voulais aller chez Renault parce que je parlais déjà un peu français et que tous leurs pilotes étaient mes amis.
Mais je me suis dit : « étranger dans une entreprise française avec que des pilotes français, s’il arrive le moindre problème, tu seras désigné responsable ». Je suis donc allé voir Huschke von Hanstein pour lui demander si je pouvais essayer une 911. Et m’a répondu : « Mon garçon, il n’est pas prévu de faire rouler cette voiture en compétition.
Nous n’avons pas de département pour le rallye, nous n’avons pas le budget pour faire du rallye, et Piëch se moque du rallye, donc que veux-tu que nous fassions ? ». Je lui ai dit : « Laisse-m’en une quand même » (rires). Au final, il m’a engagé au Tour de Corse 1966, sans assistance, sans argent, sans essais, sans rien. La 911 était trop grosse sur ces si petites routes où les Renault R8 Gordini faisaient merveille, mais j’ai tout donné pour convaincre mon employeur du bien-fondé de ma démarche… et on a fini 3e.
D’un coup, le ciel était la limite à Stuttgart et, à partir de là, nous sommes allés au Monte-Carlo. Sans un dernier mauvais choix de pneus, nous aurions pu l’emporter dès la première tentative.
Votre histoire est finalement plus liée à la 911 qu’à la 917…
La 911 est une part de moi et je suis une part de la 911. Mais la 917 demeure la voiture favorite de toute ma carrière.
Nous sommes arrivés devant la première 917, celle de 1969, au niveau de son train arrière et de ses fameux ailerons mobiles, lesquels ont fait tant polémique à l’époque. Racontez-moi votre version des faits !
La 917 était une voiture ingénieuse, et ses concepteurs voulaient qu’elle aille très vite en ligne droite, telle une flèche. D’où l’idée de ses flaps qui pouvaient bouger mécaniquement selon le comportement de la voiture.
Mais quand l’ACO a vu nos chronos aux essais, les organisateurs ont voulu interdire nos ailerons. Porsche a joué la carte du retrait de l’épreuve, arguant que sa voiture avait été pensée avec ces ailerons et qu’elle serait inconduisible avec des ailerons fixes. C’était de la foutaise évidemment, mais l’ACO a voulu qu’on le prouve. Alors Porsche nous a envoyés, Rolf Stommelen et moi, faire quelques tours en piste avec la consigne de conduire le plus mal possible. On a fait un fantastique show pour faire croire que la voiture était dégueulasse.
Notre subterfuge a fonctionné : l’ACO a dit : « Ok, vous conservez les ailerons mobiles sur la 917, vous les rendez fixes sur la 908 ». Nous étions contents de notre coup !
Quel était le concept de ces ailerons ?
Ils fonctionnaient avec la suspension : lorsqu’une roue arrière compressait la suspension, cela aplatissait l’aileron, car nous estimions qu’il y avait de la charge et donc du grip. Lorsque c’était l’inverse, donc la suspension détendue, l’aileron se braquait pour compenser le délestage. En ligne droite, la pression de l’air à 300 km/h écrasait la voiture sur ses suspensions et débraquait ainsi les ailerons.
C’était totalement mécanique et avec des limites. Dans les virages, la roue intérieure braquait l’aileron, celle extérieure le débraquait. ça bougeait en permanence…
L’autre grande supercherie de Porsche a été l’homologation de la voiture, lorsqu’il a fallu produire les 25 exemplaires obligatoires. La photo, avec tous ces châssis à la chaîne, est mythique !
Ce n’était pas vraiment la chaîne. Il faut se remettre dans le contexte : les voitures allaient de plus en plus vite dans les années 1960, aussi la FIA avait décidé de limiter la cylindrée à 3.0 litres et de créer une nouvelle catégorie, dite Sport, de prototypes 5.0 litres disponibles à l’achat par des clients. Ferrari et Porsche se livraient une bataille folle, mais personne ne voulait fabriquer les 50 exemplaires initialement prévus.
Le chiffre a été ramené à 25 voitures, mais c’était encore énorme ! Pour faire cette fameuse photo, nous avions donc aligné ce que l’on appelait les « voitures de secrétaires », parce que l’usine Porsche était si petite à l’époque que toutes celles et ceux qui pouvaient donner un petit coup de main pour fabriquer les voitures dans les temps étaient les bienvenus. Y compris les secrétaires. Lorsque l’inspecteur de la FIA est venu, Ferdinand Piëch a faussement joué la carte de la transparence : « Tenez, regardez chaque voiture dans le détail, prenez les outils que vous voulez ! ».
Et le gars de la FIA a répondu « non, non, je vous fais confiance ! ». Alors que dans les faits, pas une seule 917 n’était en état de marche. Une fois l’inspecteur reparti, les vingt-cinq 917 ont été intégralement démontées et reconstruites proprement, comme de vraies voitures de course.
L’avez-vous aimée, cette première 917 de 1969 ?
J’ai aimé toutes les 917. Mais il est vrai qu’à partir de 1970, elle était vraiment magnifique. Châssis court, châssis long, ses courbes étaient superbes.
Les 917 de 1969 et 1970 n’avaient pour point commun que leur nom finalement…
Elles étaient totalement différentes. Enfin non, je dis une bêtise : le châssis tubulaire n’a quasiment pas changé, c’est surtout la carrosserie qui a été repensée.
D’ailleurs, on a piloté la version 1969 qu’à deux reprises, dont une au Mans. La queue longue de 1970 était une voiture facile… dans le sens où elle n’était pas difficile pour l’époque.
Elle a malgré tout toujours eu l’image d’une voiture « dangereuse »…
Ce n’est pas vrai. Elle n’était pas dangereuse, tout dépendait de celui qui était au volant ! À partir de 1970, elle faisait exactement ce que je voulais. Dans les Hunaudières, à 380 km/h, elle était sur des rails.
Vous brisez un mythe !
Non, le mythe est vrai : très peu de monde était capable de la conduire. Un journaliste de l’époque avait écrit : « Il n’y a que trois pilotes au monde qui savent emmener la 917 à la limite : Jo Siffert, Pedro Rodriguez et Vic Elford ». Les autres n’atteignaient pas la limite, mais celle-ci était tellement loin !
Mais j’insiste : elle n’était pas dangereuse. D’ailleurs, il n’y a qu’un seul pilote qui s’est tué à son volant (John Woolfe, dans le 1er tour des 24 Heures du Mans 1969. Ndlr), et son niveau de pilotage fait qu’il n’aurait jamais dû être dans cette voiture.
La 917 est née parce que l’on jugeait les précédentes voitures trop rapides… et cette Porsche a enfoncé le clou encore davantage. Elle était aussi destinée à des gentlemen drivers. C’était un très mauvais calcul de la part des instances sportives de l’époque !
Absolument ! C’est pourquoi la plaisanterie n’a duré que trois ans (rires).
Il est vrai qu’avec elle, vous avez découvert de nouveaux territoires inconnus en termes de vitesse, de technologie.
Je suis toujours sidéré par la résistance « centrifuge » d’un pneu pour qu’il ne déchape pas à 400 km/h par exemple…
C’est vrai ! On n’a jamais éclaté un pneu à cette vitesse. Aucun pilote officiel Porsche n’a eu d’accident avec cette voiture.
La voiture était tellement supérieure à la concurrence que vous pouviez rouler à votre main et donc réduire la prise de risque ?
Sûrement pas ! Un pilote roule toujours à sa propre limite ! Et il doit toujours flirter avec la limite de la voiture pour savoir où elle se situe. C’est comme ça que l’on anticipe les erreurs. Et un pilote a toujours besoin de satisfaire son ego en étant plus rapide que ses équipiers.
Pedro et moi nous tirions souvent la bourre en course pour nous amuser, absolument pas par bêtise. C’était du plaisir personnel.
Pouvons-nous dire qu’elle était une F1 carrossée ?
Non… car elle leur était bien supérieure ! Plus rapide, plus puissante, rien n’allait plus vite à l’époque. La 917-30 de CanAm faisait 1200 ch en course !
Lorsque vous vous retournez en arrière, quel regard portez-vous sur la 917 et son époque ?
Quand on me demande qu’elle est la voiture que j’ai préférée dans ma carrière, je réponds toujours la 917. La seconde question est : laquelle ? Et ma réponse est simple : chacune d’entre elles ! Même la première de 1969 qui était une voiture un peu vicieuse, mais je l’adorais tout simplement parce qu’elle allait 50 km/h plus vite en pointe que n’importe quelle autre compétitrice.
Ferdinand Piëch et moi étions finalement assez bons amis, car les autres pilotes n’aimaient pas être confrontés à certaines situations au volant. Nous partagions la même vision des 24 Heures du Mans de l’époque : la dernière chose au monde que nous voulions faire au Mans, nous pilotes, était de courir. Nous voulions simplement la voiture la plus rapide possible, même si elle était difficile à piloter, une voiture qui puisse dépasser facilement en ligne droite. Et c’est ce qu’était la 917 en 1969. Reste qu’elle avait un problème aéro qui n’avait pas encore été résolu, un problème qui faisait par exemple que dans la ligne droite de Mulsanne, il fallait utiliser la largeur complète de la route, parce que nous ne savions jamais où elle voulait aller. Mais c’était tout.
Elle avait mauvaise réputation auprès des autres pilotes, mais lorsque nous déboulions du Tertre Rouge pour enquiller les 6 km de ligne droite des Hunaudières, tout le monde se rangeait sur la droite tellement ils étaient effrayés par la vitesse de la 917. Pour cette simple raison, c’était une voiture fantastique.
Vous avez été le premier pilote à dépasser la vitesse moyenne de 240 km/h au tour en course, en 1970, avec la 917 longue queue et le moteur 5.0 litres. Racontez-nous…
Tout le monde pensait que ma performance en qualification (pole position en 3’19 »8 à 242,685 km/h de moyenne. Ndlr) était due à de la folie et qu’elle ne serait pas renouvelable en course.
La 917 avait encore cette image de 1969 de voiture vicieuse, mais elle était diablement rapidement. En l’espace de 6 mois, Piëch et son équipe ont su la transformer pour 1970 en une auto relativement « confortable » à piloter, laquelle surpassait tout ce qui existait alors. Il n’y avait pas de compétition. Pour preuve, c’est la plus lente des 917, la K de Attwood-Herrmann, qui l’a emporté cette année-là, car elle n’a pas passé une minute de trop à son stand.
Cette même année, vous avez été mêlé au tournage du film Le Mans de Steve McQueen. Drôle d’aventure !
Le film était presque réduit à une confrontation entre Porsche et Ferrari, et Steve avait une liste très réduite de pilotes qu’il voulait voir intégrés à son film.
Je ne sais pas pour les pilotes Ferrari, mais nous concernant, chez Porsche, nous pilotions quasiment aux vitesses de course lors du tournage, car Steve avait insisté sur un point : « Je ne veux pas que vous rouliez à 40 km/h et que nous accélérions la vitesse au montage ». Il voulait que ce soit vrai, à 300 km/h avec une caméra sur le capot avant…
Comment était développée une voiture de course dans ces temps-là ? L’avis des pilotes était-il entendu ou deviez-vous vous contenter de conduire ce que l’on vous donnait ?
Je crois avoir été le pilote qui a fait changer les choses chez Porsche, car j’y suis entré par la porte du rallye. Porsche ne connaissait rien au rallye et donc mes avis étaient écoutés pour faire évoluer la 911.
Et puis, cette idée de dialoguer avec les pilotes en circuit a fait son chemin, et à partir de 1968, Jo Siffert et moi pouvions faire évoluer la voiture dans certaines directions. Avant cela, c’était inconcevable !
Le pilotage était-il physique ?
Non, la 917 n’était pas une voiture physique à conduire. Il fallait simplement mettre pas mal de pression dans les freins, mais c’était normal. Les pilotes aujourd’hui se demandent comment nous faisions parce que tout est assisté. Ils sont mal habitués. Nous devions travailler à l’époque (rires). Je ne faisais pas de sport entre les courses, je n’avais pas une hygiène de vie aussi bonne que les pilotes aujourd’hui… Je m’entretenais en m’amusant : natation, ski nautique, golf. Les vacances quoi, mais les vacances, c’est bon pour le physique (rires).
Comment gagniez-vous en confiance au moment de monter dans une telle voiture ?
C’était un ensemble de choses : position de conduite, réactions de la voiture à ce que je lui demandais, et aussi et surtout confiance en les ingénieurs qui avaient construit la voiture. Chez Porsche, nous avions les meilleurs ingénieurs au monde. La fiabilité était incroyable. Ma performance se développait avec la confiance. On dit souvent : « Les pilotes de l’époque, vous étiez fous ! ». C’est faux ! Rodriguez, Siffert, Larrousse ou moi, nous n’étions pas fous ! Nous savions exactement ce que nous faisions et avions totale confiance en nous, en la voiture, en tout.
Nous n’étions pas suicidaires. C’était certes plus dangereux de faire Le Mans en 917 que d’aller sur la Lune, mais je n’ai jamais eu l’envie d’aller sur la Lune (rires).
Quel est votre meilleur souvenir avec cette voiture ?
Je répondrais d’abord par le pire : l’édition 1969 où, avec Richard Attwood, on mène la course jusqu’à 3 heures de l’arrivée. On avait 80 km d’avance sur les 2es, on roulait tranquille, quand l’embrayage a cassé. Le meilleur, c’est l’année suivante, la nuit, sous la pluie, à fond dans les Hunaudières. La voiture était superbe. Elle faisait ce que je pensais être presque impossible. Je n’ai jamais eu peur. Et si j’avais eu peur, j’aurais fait autre chose dans la vie. Je n’ai jamais eu l’intention de mourir dans une voiture.
Quel âge aviez-vous alors ?
J’étais déjà vieux.
N’ayant aucun moyen financier jeune, j’ai piloté pour la première fois à 26 ans. En 1969, j’ai 34 ans (Vic Elford est né le 10 juin 1935 à Londres. Ndlr). Aujourd’hui, les pilotes font Le Mans à 19 ans, c’est ridicule. On les met dans un karting avant même qu’ils ne sachent marcher (rires).
Lorsque l’on est planté devant cette superbe voiture, à l’admirer, est-ce que vous vous dites : « Je l’ai conduite un jour, c’était il y a 50 ans ! J’ai du mal à le croire ! » ?
Non. Je me dis : « Elle était agréable à conduire », c’est tout. Je sais l’avoir conduite, je n’ai pas à m’en convaincre.
Qu’est-ce qui fait que la 917 est encore aujourd’hui désignée comme la plus mythique voiture de course de l’histoire de notre sport ?
C’est un mélange de tout : palmarès, performance, beauté, rareté. C’était un changement de paradigme surtout. On aurait pu citer la Ferrari 512 pour la même raison, mais non, ce n’était pas la même chose. Une Ferrari, c’est comme un gosse qui joue avec une balle : un jour ça marche, un jour ça ne marche pas. Ce n’est jamais comme ça avec Porsche : le mot « peut-être » n’existe pas dans leur vocabulaire. Lorsqu’une décision est prise, elle doit obligatoirement fonctionner. Pour un pilote, travailler pour Porsche était l’assurance de bons résultats.
Et avancer à près de 400 km/h, ça fait quoi ?
Rien (rires). On va dire que je mens, mais je trouvais que le paysage défilait moins vite à cette vitesse, comme en lecture lente.
Il y avait une petite auberge dans les Hunaudières, et je parvenais à voir qui y prenait l’apéritif en fin de journée, et ce qu’ils buvaient. J’ai fait le coup à l’un de mes amis un jour, il n’en revenait pas. Je ne sais pas si les pilotes ont la même sensation, ils vont moins vite.
Demandons à Neel Jani qui discute à deux pas de nous ! (Nous interpellons le vainqueur du Mans 2016).
V.E. : Neel ! Je me demandais : est-ce qu’à 340 km/h, toi aussi tu as le sentiment que le paysage ralentit ?
N.J. : Oui. Plus tu vas vite, moins ton cerveau fait le parallèle. Il n’y a qu’au premier tour où tu te dis : « Wow ! Ça rigole pas ! ». Je trouve que l’effet de vitesse est moindre dans les Hunaudières qu’après Mulsanne, car les rails et les arbres sont plus proches de la piste.
V.E. : Je suis tout à faire d’accord !
Nous parlions de vitesse, car la 917 a ouvert une nouvelle porte sur l’inconnu…
N.J. : Nous, pilotes modernes, remercions des gars comme Vic d’avoir défriché le terrain. C’est grâce à vous que les voitures sont sûres aujourd’hui. Lorsque l’on me demande si j’aurais aimé piloter la 917 à l’époque, je suis incapable de répondre. Je ne peux simplement pas imaginer ce que cela procure comme sensation, comme risque, comme difficulté.
C’est facile de dire : « Oui, j’aurais adoré ». Mais en se basant sur quels éléments ? C’est impossible !
V.E. : À notre époque, c’était moderne, c’était l’évolution logique. La 917 était la voiture la plus sûre du monde. Je suis affirmatif.
Une dernière question : vous avez pris votre semi-retraite 2 ans après la fin de l’aventure 917. Pourquoi ?
Parce qu’après une telle expérience, j’avais fait le tour de la question. Cela ne m’intéressait pas de continuer pour continuer.
Les Mille Miglia (ou Mille Miles) était l'une des courses automobiles les plus célèbres au monde. Disputée en Italie et sur route ouverte, elle attira les plus grands pilotes et les marques les plus prestigieuses. Cette course, élevée aujourd'hui au rang de mythe, s'est disputée à vingt-quatre reprises entre 1927 et 1957, dont treize fois avant la Seconde Guerre mondiale et onze fois après.
La course fut créée par les jeunes comtes Aymo Maggi et Franco Mazzotti, en réponse, semble-t-il, de la perte du Grand Prix d'Italie par leur ville de Brescia. Avec un groupe d'associés fortunés, ils établirent un circuit en forme de huit allant de Brescia à Rome et retour pour une distance parcourue d'environ 1 618 kilomètres, soit 1 005 milles.
La première course eut lieu du 26 au 27 mars 1927 avec 77 concurrents au départ, tous italiens. Le gagnant, Giuseppe Morandi, termina la boucle de cette première édition en un peu moins de 21 heures et 5 minutes, à la moyenne de 78 km/h .
L'originalité de cette épreuve était de faire courir des voitures d'endurance sur routes, et non sur circuit. Ferrari, Maserati, Alfa Romeo, Porsche, Mercedes, Jaguar, Aston Martin, Bugatti… tout le « gratin » de la compétition automobile se disputait la première place de cette prestigieuse épopée sportive et humaine.
La course sera une première fois suspendue en 1939 à la suite d'un accident ayant entraîné la mort de nombreux spectateurs lors de l'épreuve de 1938. Elle sera définitivement arrêtée en 1957 à la suite de l'accident mortel d'Alfonso de Portago et de son copilote qui entraîna la mort de neuf spectateurs.
De nos jours, une épreuve routière dénommée « Mille Miglia Storica », réservée aux voitures de course de collection, perpétue la tradition. Ce rendez-vous annuel est devenu l'un des événements les plus prestigieux au monde, dans le domaine des courses de véhicules d'époque.
En 1952, le français Marc Gignoux remporta l'épreuve au classement par rendement énergétique.
À partir de 1958 les trois ultimes éditions, comportent des épreuves spéciales de vélocité (en général en côtes ascensionnelles) et des tronçons de liaison parfois assez conséquents : l'épreuve d'endurance est devenue un pur rallye de performance, dont la dernière édition est même incluse dans le Championnat d'Europe des rallyes. Source : King Rose Archives
L'histoire de la Formule 1 trouve son origine dans les courses automobiles disputées en Europe dans les années 1920 et 1930. Elle commence réellement en 1946 avec l'uniformisation des règles voulue par la Commission sportive internationale de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) et la création de la « Formule de Course Internationale no 1 », pour indiquer la qualité optimale, comprimée en Formule 1.
Un championnat du monde de Formule 1 est créé en 1950 puis une coupe des constructeurs en 1958 (qui devient le Championnat du monde des constructeurs à partir de 1982). L'évolution de la discipline est étroitement liée à celle des performances des voitures et de la réglementation technique des compétitions. Bien que le gain du Championnat du monde reste le principal objectif, de nombreuses courses de Formule 1 ont eu lieu sans être incluses au Championnat du monde (compétitions hors championnat).
La dernière en date, disputée à Brands Hatch, s'est déroulée en 1983. Des championnats nationaux ont également été organisés en Afrique du Sud et au Royaume-Uni dans les années 1960 et 1970.
Jacques Laffite, né le 21 novembre 1943 à Paris, est un pilote automobile français. Il a notamment disputé 176 Grands Prix de Formule 1 et remporté six victoires entre 1974 et 1986. De 1997 à 2012, il commente en qualité de consultant les Grands Prix de F1 pour la chaîne de télévision française TF1. Il a deux filles : Camille et Margot, journaliste sportive (Formula One) sur Canal+. Jacques Laffite est le beau-frère de Jean-Pierre Jabouille.
En 1958, il rencontre Jean-Pierre Jabouille qui lui propose de devenir son mécanicien, en 1966, lors des épreuves de la Coupe Renault R8 Gordini.
Venu tardivement au sport automobile, Jacques Laffite s'est rapidement bâti une solide réputation dans les formules de promotion en devenant Champion de France de Formule Renault en 1972 (participation la même année aux 24 heures du Mans avec Pierre Maublanc de 15 ans son aîné sur Ligier JS2), et de Formule 3 en 1973 (cette année-là, il remporte également le prestigieux Grand Prix de Monaco F3).
Ces résultats lui permettent d'accéder à la Formule 1 en 1974, au sein de la modeste écurie Williams, alors en grande difficulté financière. En obtenant au Grand Prix d'Allemagne 1975 sur le très sélectif tracé du Nürburgring une deuxième place, Laffite contribue grandement à la survie de l'équipe. Parallèlement à ses débuts en Formule 1, Jacques Laffite devient, en 1975, champion d'Europe et de France de Formule 2, et conquiert, pour le constructeur Alfa Romeo, le titre mondial d'endurance du Championnat du monde des voitures de sport 1975 sur la 33TT12 WSC (victoire à quatre reprises avec l'Italien Arturo Merzario, aux 800 kilomètres de Dijon, 1 000 kilomètres de Monza (Trofeo Filippo Caracciolo), 1 000 km de la Coppa Florio et 1 000 kilomètres du Nürburgring).
Grand espoir de la Formule 1 française malgré ses 33 ans, Laffite est choisi, début 1976, à l'issue d'un test comparatif face à Jean-Pierre Beltoise pour faire débuter en compétition la première Ligier. Après une saison 1976 pleine de promesses, Laffite et Ligier semblent plus en difficulté en 1977. Dans ce contexte, Laffite remporte, à l'occasion du Grand Prix de Suède, son premier succès. Mal qualifié, Laffite revient à la deuxième place qui se transforme en victoire en vue de l'arrivée après l'abandon de Mario Andretti.
Une victoire à ce point surprenante que Laffite sera privé de Marseillaise sur le podium, les organisateurs n'ayant pas imaginé la victoire d'un pilote français. Ce succès de Laffite sur la Ligier-Matra V12 constitue la première victoire d'un ensemble châssis-moteur français de l'histoire de la Formule 1. La victoire de Laffite restera pourtant une performance isolée au milieu d'une saison globalement décevante.
Après une saison 1978 en demi-teinte, il faut attendre 1979 pour voir Laffite et Ligier se hisser au plus haut niveau. Au volant de la Ligier JS11, Laffite domine le début de saison, remporte les deux premières courses de l'année en Amérique du Sud et fait ainsi figure de favori pour le titre mondial.
L'écurie Ligier perd progressivement pied en cours d'année et Laffite termine quatrième du championnat du monde, performance qu'il réédite en 1980 (avec une victoire en Allemagne) mais sans jamais s'être mêlé à la lutte pour le titre, la faute à des résultats trop irréguliers.
En 1981, après un début de saison raté, il s'impose sur le tracé du Grand Prix d'Autriche puis sous la pluie au Canada et aborde l'ultime manche du championnat (à Las Vegas) en troisième position au général, avec des chances d'être sacré champion du monde.
Mais Laffite passe à côté de sa course et, pour la troisième année consécutive, obtient la quatrième place du championnat.
En 1982, Laffite subit le déclin soudain de l'écurie Ligier et, démotivé, n'est guère en mesure de se mettre en évidence. Il se relance chez Williams, l'écurie de ses débuts, désormais l'une des meilleures du monde. En 1983, avec le modeste V8 Ford-Cosworth atmosphérique, l'équipe n'est pas en mesure de lutter avec les concurrents qui bénéficient du moteur turbo. Ce n'est que lors du dernier Grand Prix 1983 que Williams passe au turbo, grâce à un partenariat avec le motoriste japonais Honda.
1984 est une nouvelle fois décevante pour Laffite, qui essuie les plâtres d'un moteur encore peu fiable et aux performances irrégulières. Laffite se plaindra en outre de ne pas bénéficier du même matériel que son coéquipier finlandais Keke Rosberg.
Après deux saisons chez Williams, Laffite effectue, en 1985, son retour chez Ligier. À plus de 40 ans, le vétéran obtient, avec le moteur Renault turbo, plusieurs bonnes performances en 1985 et en 1986, où il monte à deux reprises sur le podium.
Au Grand Prix de Grande-Bretagne, sur le tracé de Brands Hatch, Laffite est victime au départ d'une collision en chaîne dans le cœur du peloton.
Après avoir heurté de face le rail de sécurité, il est relevé avec de multiples fractures aux jambes et au bassin. À l'issue d'une opération chirurgicale menée par le professeur Émile Letournel, Laffite retrouve l'usage de ses jambes. Cet accident marque la fin de sa carrière en Formule 1, le jour où il égalait le record de participations détenu par Graham Hill (176 départs).
Jacques Laffite et la Ligier JS11 à Rétromobile 2019
Après sa convalescence, Laffite reprend le volant en compétition, dans des épreuves de Tourisme (DTM) ou d'Endurance.
Il effectue son retour en monoplace fin 2005 à l'occasion de la première manche du championnat Grand Prix Masters, destiné aux anciennes gloires de la Formule 1.
De 1997 à 2012, Jacques Laffite commente, en qualité de consultant, les Grands Prix de Formule 1 sur la chaîne française TF1 où il remplace Johnny Rives. De 1997 à 2002, il commente en duo avec Pierre Van Vliet, remplacé en 2003 par Christophe Malbranque. Depuis 2013, il anime l'émission Dimanche Méca sur Eurosport.
Jacques Laffite, passionné de golf, est actionnaire du Golf de Dijon-Bourgogne. Attaché à la Creuse, il y possède une propriété5. Il est le beau-père d'Arnaud Tsamere.
Fin avril 2018, lors d'une émission télévisée, il annonce être atteint de tremblements au niveau des mains, conséquence probable de son accident. Source : WKPDIA/CC-BY-SA-3.0-PASSION F1