Violette Morris, dite « la Morris », née le 18 avril 1893 dans le 6e arrondissement de Paris et abattue par un groupe de maquisards le 26 avril 1944 sur une route de campagne aux environs de Lieurey dans l'Eure, est une championne sportive, espionne et collaborationniste française.
Sportive puissante et complète, Violette Morris multiplie les performances remarquables dans les années 1920. Athlète émérite, elle détient les records du monde du lancer du disque et du lancer du poids et remporte dans les deux disciplines les premières Olympiades féminines en 1921 et 1922. Au football, elle est capitaine de l'Olympique et remporte le titre de championne de France et de la Coupe la Française en 1925. Talentueuse pilote de course, elle remporte le Bol d'or automobile en 1927.
Habillée en homme, cigarette à la bouche, le comportement de Violette Morris dérange. Alors qu’elle se voit retirer ses licences, elle intente un procès à la Fédération française sportive féminine et est déboutée en 1930. Empêchée de disputer les Jeux olympiques d'été de 1928, exclue du monde sportif, elle ouvre un magasin d’accessoires automobiles qu'elle cède en 1931.
Morris acquiert alors une péniche, La Mouette, sur laquelle elle vit avec Yvonne de Bray.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est chauffeur de Christian Sarton du Jonchay et directrice d'un garage de la Luftwaffe, sur le boulevard Pershing, avant d'être tuée par balles par les hommes du maquis Surcouf. Son assassinat serait motivé par son rôle d'espionne et sa collaboration avec la Gestapo française.
Fille du baron Pierre Jacques Morris, capitaine de cavalerie en retraite, et d’Élisabeth Marie Antoinette Sakakini, dite « Betsy Sakakini », riche héritière d'origine levantine, Émilie Paule Violette Morris naît le 18 avril 1893 au 61 rue des Saints-Pères dans le 6e arrondissement Paris.
Elle grandit dans une famille militaire, son grand-père paternel est le général Louis-Michel Morrisa et elle a un oncle amiral3. Sa grand-mère, juive, est originaire de Constantine. Elle a une sœur aînée, Louise, née en 1891.
Violette Morris apprend à monter à vélo à dix ans sur la bicyclette d'un peintre qui ravale la maison familiale. Envoyée au couvent de l’Assomption de Huy en Belgique, elle est éduquée à la pratique sportive par les religieuses, la plupart Anglaises, comme le basket-ball, le hockey et le cricket. À la sortie du couvent, passionnée de sport, elle se consacre à la boxe anglaise, s'entraînant avec Émile Maitrot, Frank Klaus et Billy Papke.
En 1913, elle arrive cinquième au championnat de France de grand fond, disputé sur une distance de 8 km à la nage. Seule compétitrice, elle remporte la catégorie féminine avec un temps de 2 h 28, derrière le vainqueur Léon Barrière et ses 1 h 564. Membre de l'Étoile Parisienne, un club sportif féminin, elle s'essaie à de nombreux sports
Mariée le 22 août 1914 à Cyprien Edouard Joseph Gouraud à la mairie du 8e arrondissement de Paris, à l’âge de 21 ans7, ils divorceront en mai 1923. Il est probable que Morris se soit mariée dans le cadre d’un mariage arrangé pour suivre les choix de sa famille : elle est en effet déjà ouvertement lesbienne à cette époque. Trois jours après leur mariage, son mari est mobilisé et envoyé au front.
Quant à elle, elle est volontaire pour être ambulancière et se retrouve sur le front de la Somme, puis estafette sur le front de Verdun « pour porter des ordres, tous les jours, sur les points précis d'un circuit qui passait par Noyon, Compiègne, Ham, Soissons, Maux, Villers-Cotterêts ». Elle passe six mois dans un hôpital, ayant attrapé une bronchite et une pleurésie. En 1917, ses deux parents meurent ; l’héritage lui permet de conserver un train de vie confortable tout en se consacrant au sport à temps plein.
Dès son retour à la vie civile en 1919, et arguant qu’elle portait déjà un uniforme masculin pendant la guerre, elle commence à s'habiller comme un homme au quotidien, sans demander de permission de travestissement.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Violette Morris est chauffeure de Christian Sarton du Jonchay et réquisitionne l’essence de résistants à Cannes. Elle dirige par ailleurs le garage de la Luftwaffe, sur le boulevard Pershing à Paris, et leur fournit des pièces détachées : elle affirme avoir accepté parce qu’elle rêve de devenir aviatrice et de donner des conférences sur le sport féminin aux États-Unis.
D’après Ruffin, en 1940, Helmut Knochen, chef du service de renseignements de la SS à Paris, l'aurait recrutée afin d'engager des espions, de contrer les réseaux anglais du Special Operations Executive (SOE) et d’infiltrer les réseaux de résistance du Grand Ouest30. Toujours selon lui, elle serait passée ensuite, par le biais d’Henri Lafont, à la Gestapo française, rue Lauriston, où elle se serait livrée à des activités de tortionnaire, notamment sur des femmes résistantes. Raymond Ruffin considère qu'elle aurait été responsable de secteurs dans les organigrammes de la Gestapo de la rue des Saussaies à Paris de 1942 à 1944.
En l'absence de sources écrites pour appuyer ses propos, il dit que Pierre Bonny, dans l’espoir d’anéantir toute trace des forfaits commis par lui et par ses adjoints, aurait détruit méticuleusement archives et dossiers compromettants. Il ajoute qu’elle aurait envoyé des plans partiels de la ligne Maginot aux Nazis.
Cette biographie est contestée par Marie-Jo Bonnet34,35. La collaboration de Morris est avérée, mais aucune preuve historique ne soutient sa participation à la Gestapo comme tortionnaire ou espionne.
Le 26 avril 1944, Violette Morris est abattue par des maquisards du groupe normand Surcouf au volant de son automobile Citroën Traction Avant alors qu’elle se trouve bloquée par un attelage sur la route D27 entre Épaignes et Lieurey. Son corps est criblé de balles, comme ceux des cinq autres occupants de la voiture : les époux Bailleul, leurs deux enfants de quatorze et quinze ans et une amie, qu’elle amenait à une communion à Neuilly. En septembre 1944, Combat écrit : « Avant d'être exécutée il y a quelques mois par des patriotes, Violette Morris appartenait à la police allemande de la rue des Saussaies ».
Il existe plusieurs thèses à propos des raisons de cet attentat. La première, soutenue par Raymond Ruffin, voit en Violette Morris une collaboratrice dont l’assassinat aurait été commandité soit par l’Intelligence Service, soit par le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA). Il s’appuie pour cela sur un ordre venu de Londres en avril 1944 : « Abattre immédiatement et par tous moyens espionne Violette Morris. Fin. » Marie-Jo Bonnet affirme que le télégramme est un faux8. Sa propre thèse est qu’il s'agit d'une erreur commise par le maquis normand, qui pensait trouver au volant de la voiture un milicien reconnu.
L'essayiste Gérard de Cortanze, dans son livre Une Femme qui court, appuie cette théorie en apportant un nouvel éclairage. Selon ses recherches, le gestapiste Alain Boulin initialement visé aurait eu connaissance de l'action prévue par le commando maquisard, demandant alors à Violette Morris de le remplacer dans la voiture. Une troisième théorie suggère qu’il pourrait s’agir d’un crime passionnel maquillé en acte de résistance40.
Les historiennes Marie-Jo Bonnet, Anne Simonin et Christine Bard contestent toutes les trois la théorie de Ruffin sur l’implication de Morris dans la Gestapo.
Bard a cependant d’abord soutenu la thèse de Ruffin avant de changer d’avis24. Elles soulignent notamment les nombreuses lacunes du livre sur des faits avérés de la vie de Morris pendant l’Occupation : il ne semble pas savoir qu’elle héberge son ami Jean Cocteau, auteur de la pièce Les Monstres sacrés qu'il a écrite à son sujet, qu’elle visite le front pendant la drôle de guerre ou encore qu’elle dirige le garage de la Luftwaffe. Ruffin se serait inspiré du roman d’Auguste Le Breton Les pègriots, publié en 1973, qui contient deux pages dédiées à Violette Morris et font naître l’expression de « hyène de la Gestapo ».
Bonnet, Simonin et Bard affirment que Morris a été diabolisée après sa mort, afin de justifier l’assassinat de deux enfants dans la voiture, qu’elles pensent attaquée par erreur. Il fallait que Morris soit un monstre pour légitimer la mort des enfants, et c’est alors que naît l’image de Morris en « hyène de la Gestapo », qui prendrait plaisir à torturer les femmes.
Pour Marie-Jo Bonnet, Violette Morris aurait finalement incarné tous les démons refoulés d'une époque et constitué un bouc-émissaire idéal. Elle est inhumée en septembre 1945.
Source : WKPDIA/CC-BY-SA-3.0