Il y a en France plus de 1 000 clubs de véhicules anciens, regroupant 59% des collectionneurs, d’après la Fédération française des véhicules d’époque, ce qui interroge sur les motivations de ceux qui y adhèrent et celles des autres plus réfractaires.
Retour sur ce phénomène, qui ne date pas d'hier…
Les plus anciens clubs automobiles ou motocyclistes ont été créés entre les deux guerres, essentiellement au Royaume-Uni (Veteran car club of Great Britain en 1930) et en France (Club des Teuf Teuf en 1935). Ils regroupaient alors de riches propriétaires de ce qui était encore un objet élitiste apprécié des sportifs distingués et de quelques excentriques qui conservaient des modèles du tout début de l’automobile. Les véhicules n’étaient donc pas obligatoirement anciens mais suffisamment rares et chers pour fédérer une communauté de privilégiés fréquentant par ailleurs les mêmes cercles sociaux.
Quelques constructeurs de voitures de sport, tels MG ou Bentley initieront aussi des clubs soutenus par la marque afin de fidéliser leurs clients et leur proposer des occasions de rencontres et de partage de leur intérêt pour l’automobile. Les gentlemen drivers qui s’adonnent au trial à la campagne, ou au pilotage en circuit, notamment au Mans, sont alors valorisés par leur appartenance à des clubs très selects, réunissant les pilotes qui se côtoient en course. Le très exclusif British Racing Drivers Club se développe ainsi en aménageant des salons (toujours) très privés au sein du circuit de Silverstone.
Deux collectionneurs éclairés
Toutefois, c’est véritablement dans les années 1950 et 1960 que se créent les premiers clubs de collectionneurs, accompagnant un mouvement d’amateurs pionniers désireux de rouler avec leurs “tacots” et d’échanger des conseils pour leur entretien. En France, le fameux club des 3A, organisateur du salon annuel Époq’Auto, voit le jour en 1956. Il est le second club référencé de voitures anciennes créé en France. Il faut attendre la fin des années 1960, début des années 1970, pour voir les pratiquants commencer à se structurer.
Les premières revues, Le Fanatique de l’automobile et L’Automobiliste, sont l’une et l’autre lancées en 1966 par deux collectionneurs éclairés, Serge Pozzoli pour la première et Adrien Maeght pour la seconde. Les premiers rallyes d’anciennes apparaissent, tel l’Escargot d’Or, qui parvient à réunir une cinquantaine de propriétaires n’hésitant pas à parcourir, durant une semaine, quelques centaines de kilomètres de la riviera italienne à la côte d’azur française avec des voitures dont les plus récentes remontent aux années 1930.
Les bourses d’échanges se développent également, mais il faut attendre 1976 pour participer au premier Rétromobile à Paris, et 1978 pour Époq’Auto à Lyon. En Angleterre, la première manifestation de ce genre remonte à 1967 – l’Autojumble de Beaulieu, créé par Lord Montagu, grand collectionneur et fondateur du premier musée automobile privé du Royaume-Uni en 1952.
Un courant porté par la Fédération française des véhicules d’époque
Internet n’existe pas, et les seuls moyens de communiquer sont alors la presse spécialisée, limitée à de rares magazines mensuels et trimestriels, et quelques rassemblements locaux connus des seuls initiés…
Le besoin de s’organiser s’impose, d’abord afin de s’entraider face à la difficulté de trouver des pièces pour entretenir, voire restaurer, des véhicules qui n’intéressent pas grand monde ; et de les faire rouler entre copains. Des clubs sont donc constitués pour réunir des amateurs partageant la même passion, et les mêmes problèmes.
Faciles à créer, via une association Loi de 1901, ils ne demandent qu’une cotisation destinée à son fonctionnement et à la réalisation et l’expédition d’une lettre ou d’un bulletin permettant d’informer et d’échanger des pièces ou de la documentation. Le phénomène s’amplifie dans les années 1970, notamment du fait du lancement, en 1976, du journal La Vie de l’auto, d’abord bimensuel, puis hebdomadaire, annonçant les manifestations des clubs et ouvrant plusieurs pages aux petites annonces. Dès lors, le mouvement du véhicule de collection ne va cesser de croître pour devenir un écosystème regroupant collectionneurs, professionnels et médias spécialisés, organisateurs d’événements…
Le tout porté par des fédérations nationales, comme la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE) en France, ou internationales, comme la Fédération internationale des véhicules anciens (FIVA).
Une offre diversifiée
Dans son étude nationale de 2024, la FFVE recense plus de 1 000 clubs adhérents – il y en a sans doute plus – regroupant 59% des collectionneurs. L’offre est très variée : clubs de marques, voire de modèles (DS Citroën, Ford Mustang, Porsche 356…), régionaux, sportifs, épicuriens…
On voit aussi depuis peu apparaître des clubs féminins. Certains sont très ouverts, une simple adhésion suffisant, sans même qu’il soit nécessaire de posséder un véhicule. D’autres sont plus sélectifs, limitant leur nombre de membres, exigeant parfois un parrainage.
Quelques-uns, de marques essentiellement, sont soutenus par le constructeur, parfois au prix d’un strict encadrement de l’usage de la marque – comme Porsche, par exemple –, tandis que d’autres prônent leur indépendance.
Dans tous les cas, leur philosophie est identique : réunir des amateurs et leur proposer des services allant d’un simple annuaire ou d’un bulletin périodique, à des événements organisés (rallyes, bourses, location de circuit, voyages…) et à des refabrications de pièces introuvables ou de réimpressions de documentation d’époque (manuels du conducteur, manuels d’atelier, catalogues). Ce type de services est particulièrement apprécié lorsque le constructeur a disparu. Le club Amicale Facel-Vega, marque française n’ayant produit de faibles volumes qu’une dizaine d’années (1954-1964), est très efficace à cet égard.
Adhérer à un club permet d’obtenir des conseils pour l’acquisition comme pour l’entretien d’un véhicule, et de procurer des opportunités de rencontres avec d’autres passionnés. Il en résulte de la convivialité, ce qui semble aller de soi s’agissant d’un loisir – encore que des “querelles de chapelles” et autres conflits de pouvoirs puissent exister sporadiquement, engendrer des scissions et la création de nouveaux clubs.
Une cohabitation pas toujours facile
Dès lors, selon le prestige de la marque, la volonté d’exclusivité des dirigeants, ou l’ambition du club au niveau de ses activités, le montant de la cotisation et le spectre des services sont variables. De quelques dizaines d’euros par an à plus d’une centaine, l’adhésion peut discriminer. Tout comme les sorties, selon que l’on se contente d’un hébergement sommaire ou que l’on privilégie l’hôtellerie de luxe. De la même manière, le prix d’une journée de promenade en région est logiquement plus abordable qu’un rallye d’une semaine à l’étranger. Les clubs les plus dynamiques savent proposer les deux et adapter leurs prestations aux moyens et vœux de leurs membres. C’est notamment le cas des grands clubs fédérant des centaines d’adhérents.
Mais il est alors plus difficile de connaître chacun des membres et d’y nouer de réelles amitiés, comme dans un petit club. Et puis, la cohabitation entre véritables modèles anciens et dernières productions n’est pas toujours facile, en raison des écarts de performances des véhicules et de culture de leurs conducteurs – à l’instar de certains clubs, comme Jaguar, Porsche ou Mustang, qui accueillent aussi bien un modèle des années 1950/1960 que la dernière GT. Fondamentalement, on trouve dans un club ce que l’on est prêt soi-même à y apporter. Il est possible de s’en tenir à une participation épisodique et discrète, auquel cas les relations demeureront superficielles, ou de s’engager plus régulièrement et de participer activement, voire de prendre des responsabilités, auquel cas on deviendra un membre connu et reconnu. Chacun est libre, finalement, de son mode de “consommation” d’un club, une petite minorité faisant généralement “tourner la boutique”.
Une micro-société
Telle la vie sociale en général, un club n’échappe pas aux règles de la vie en communauté, fût-ce dans un contexte hédonique. Un club est une petite société où se côtoient des individus en principe animés par les mêmes centres d’intérêt. On adhère le plus souvent à un club, car on vient d’acquérir, ou on projette d’acquérir, un véhicule. La motivation première est d’y trouver des informations et des conseils pour en profiter sereinement. Ensuite, on a logiquement envie de partager des moments agréables avec des semblables, en profitant d’un cadre – et du travail d’organisation effectué par d’autres… À partir de là, on vit des expériences au moment de l’accueil, de qualité variable selon les clubs, des premiers contacts avec les autres membres, de leur attitude à notre égard, de la qualité perçue des activités, et finalement du sentiment d’avoir, ou pas, passé un bon moment. Tout cela est évidemment très subjectif, comme dans toute relation humaine, et dépend à la fois de l’état d’esprit dans lequel on aborde le club, et de celui de ses dirigeants.
En effet, dès lors que l’on est ouvert et désireux de s’insérer dans un groupe, il y a de fortes chances d’y être bien accueilli. Un individu timide ou réservé devra davantage compter sur les autres pour être intégré. C’est là où le dirigeant (président du club ou membre de son bureau) joue un rôle. Il lui incombe de veiller à recevoir le nouvel impétrant en ami et de faciliter son intégration. Les premiers instants sont déterminants pour la suite et des présidents savent mieux les gérer que d’autres, qui croient parfois que leur fonction doit les préserver du “vulgum pecus”. On a tous connu au moins une fois ce type de personnage, qui prend une revanche sur la vie en devenant président d’une association… À l’inverse, un président chaleureux, disponible, n’hésitant pas à “mettre les mains dans le cambouis”, sera apprécié durablement.
Le plaisir, c’est d’abord ça, l’important
À l’usage, une fois passée la phase de découverte, la durée d’adhésion au sein d’un club dépend des activités offertes, compatibles ou pas avec sa disponibilité et ses finances – il est dommage d’être un membre “dormant”, ne participant pas, se bornant à recevoir la revue du club – et des liens tissés avec les autres membres. On peut s’en tenir à consommer des avantages, comme une facilité d’accès à un circuit par exemple, sans chercher à socialiser. On passera sans doute à côté de belles amitiés, mais c’est un choix respectable. On peut, au contraire s’impliquer, devenir une cheville ouvrière de son club et en tirer de grandes satisfactions. La majorité se situe entre les deux. Il est enfin important de s’interroger sur la position d’un conjoint éventuel, qui ne vit pas la passion automobile ou moto comme soi, même s’il ou elle aime bien les balades en anciennes. Ce conjoint doit pouvoir également apprécier la vie de club, ce qui n’est pas forcément écrit d’avance.
L’important doit demeurer le plaisir, le véhicule ancien étant en définitive un prétexte pour découvrir des endroits plaisants, passer de bons moments avec des amis, et partager avec son conjoint de bons souvenirs. Les plus mordus, possédant souvent plus d’un véhicule, sont membres de plusieurs clubs, au moins un régional pour les sorties locales et un national pour les grands événements et les services. Ils vivent alors pleinement leur passion en variant les plaisirs. Si on ne choisit ni sa famille ni son environnement humain professionnel, on peut en revanche choisir son ou ses clubs. Pourquoi se priver de ce luxe ?
Source : automobile-magazine.fr-Merci DAVID SARDA pour le suivi de l'info...