ENTRETIEN - Alors que le contrôle technique fête les trente ans de son entrée en vigueur, la directrice générale du réseau Dekra dresse un bilan et des perspectives.
Numéro un mondial du contrôle technique, avec une présence dans 60 pays, et numéro deux français derrière le réseau SGS, Dekra dispose de 1 708 établissements répartis sur l’ensemble du territoire national, dont 1 560 centres destinés au VL et 148 réservés aux poids lourds. L’an dernier, Dekra a réalisé en France près de 6,1 millions de contrôles sur un total de 24,9 millions.
Le contrôle technique fête ses trente ans. Quel bilan tirez-vous?
Karine Bonnet - En trente ans, le métier a beaucoup évolué. Nous sommes passés de 52 points de contrôle Afnor à 133 aujourd’hui. Le contrôle technique a connu des évolutions majeures avec l’introduction de différents niveaux de défaillances, de mineures, axées sur la prévention et la sensibilisation de l’automobiliste sur des points présentant un risque de casse ou d’usure importante, à majeures et critiques. Ces dernières défaillances entrées en vigueur en 2018 ont introduit la notion de différence entre un danger immédiat ou différé. Avec la mise en place du contrôle des émissions polluantes, on voit bien que nous sommes passés d’une contribution à la sécurité routière à la préservation de l’environnement et à la santé publique. Et le contrôle technique va encore se renforcer dans ces domaines.
Enfin, le taux de contre-visite est stable, ce qui montre que le parc automobile s’est assaini.
Dans le même temps, le parc continue de vieillir?
L’âge moyen des véhicules contrôlés est désormais de 12,3 ans. Il a augmenté de 15 mois en l’espace de dix ans.
Ce n’est donc pas une bonne nouvelle pour l’environnement?
Les émissions polluantes font l’objet d’un contrôle mais il faut sans doute aller plus loin sur les véhicules les plus âgés. Nous sommes par exemple favorables au raccourcissement de la fréquence des contrôles, notamment pour les véhicules utilitaires légers qui parcourent beaucoup de kilomètres chaque année, et pour une révision de la manière dont sont attribuées les vignettes Crit’Air. On pourrait très bien imaginer de faire évoluer ce système vers un contrôle en usage. Le contrôle des émissions polluantes permettrait de vérifier si les résultats sont conformes à la vignette Crit’Air attribuée lors de l’immatriculation du véhicule. Ce sont des sujets qui font l’objet d’un consensus au sein de notre profession et que nous reportons régulièrement au ministère des Transports.
L’année 2021 a-t-elle marqué un retour à la normale après une année 2020 particulière due aux différents confinements?
Nous avons retrouvé une activité comparable à l’année 2018 avec un peu plus de 25 millions de contrôles, soit une progression de 1,9 % par rapport à 2020 et 21 millions de contrôles techniques périodiques. C’est une bonne nouvelle: nous n’avons pas retrouvé le phénomène d’évitement qui nous avait conduits à tirer la sonnette d’alarme en 2019. Le nombre de contrôles techniques périodiques avait reculé de l’ordre de 700 000. Potentiellement, il y avait des véhicules dangereux qui circulaient sur nos routes.
Combien de véhicules entrent chaque année sur le marché du contrôle technique?
Le contrôle technique devient obligatoire à partir des quatre ans révolus des véhicules. Chaque année, ce sont entre 500 000 et 1 million de véhicules que l’on retrouve en plus. Cette année, on peut s’attendre à un afflux important avant les vacances d’été puisque en plus du flux normal, les centres vont devoir accueillir, comme c’est souvent le cas avant les congés estivaux, les retardataires, mais également les premiers véhicules de la prime à la conversion qui avait été mise en place en 2018 et les véhicules qui avaient renouvelé leur contrôle à la fin du premier déconfinement, mi-mai 2020. Les automobilistes s’étaient rués dans les centres, ce qui avait conduit les réseaux à ouvrir 6 jours sur 7 et à élargir l’amplitude des horaires d’ouverture. Deux ans après, ces véhicules reprennent le chemin des centres.
Un engorgement n’est donc pas à exclure avant les vacances d’été d’autant que l’on peut imaginer que, dans le contexte actuel, les Français vont privilégier les congés dans l’Hexagone et la voiture comme mode de déplacement.
Comment évoluent les défaillances et les contre-visites?
Le taux de contre-visites est stable. Autour de 20 %. On trouve toujours le même triptyque: les feux de croisement et de stop; l’opacité des fumées d’échappement hors limite; les pneumatiques gravement endommagés, entaillés ou à la corde visible. Certaines contre-visites pourraient être évitées. Il est ainsi assez facile de contrôler les pneumatiques de son véhicule. Une contre-visite ne fait jamais plaisir mais nos experts sont formés pour expliquer leur décision et faire preuve de pédagogie.
L’automobiliste dispose de deux mois pour lever la contre-visite. En cas de défaillance critique, le soir même du contrôle, le véhicule n’a plus le droit de circuler.
On parle beaucoup de nouvelles évolutions dans les années à venir. À quoi les automobilistes doivent-ils s’attendre?
Une consultation a été lancée autour d’un projet de révision de la directive européenne qui s’insère dans un package sécurité routière. La Commission européenne doit l’adopter au premier trimestre 2023. Quant à savoir à quelle date il entrera en vigueur, c’est encore un autre sujet. Ce projet de révision s’adapte à l’évolution technologique de l’automobile.
Il concerne le contrôle aux systèmes d’aides à la conduite (ADAS), aux données enregistrées par les véhicules (prises OBD, etc...), aux mesures d’émissions polluantes et tout ce qui concerne la fraude au compteur kilométrique. Le projet comporte également les échanges de données et de contrôles entre les pays dans le cadre des exportations ainsi que le type de véhicules contrôlés, notamment les véhicules sans permis et les deux-roues motorisés. Concernant les véhicules de la catégorie L, le contrôle technique aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Emmanuel Macron a suspendu le décret d’application l’an dernier.
Le sujet peut revenir sur la table à n’importe quel moment.
À la lumière du projet de révision, on peut penser que le contrôle technique va se renforcer dans les années à venir.
Se dirige-t-on vers une augmentation du tarif du contrôle technique?
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. On peut le penser mais tout dépendra de l’évolution de la réglementation. Aujourd’hui, un contrôle dure entre 35 et 40 minutes. Demain, si l’on se dirige vers une augmentation du nombre de points à vérifier, la durée d’un contrôle pourrait avoisiner une heure. En conséquence, le tarif pourrait augmenter.
Source : Sylvain Reisser-lefigaro.fr-Merci DAVID SARADA pour le suivi de l'info..