Conduire un petit coupé sans fioritures ?
Un cabriolet chic mais pas inabordable ?
Une gageure au temps du SUV roi.
La Mazda MX-5 est le dernier des Mohicans, la queue d’une comète apparue dans les années 1960 et qui achève de se consumer. Ce petit cabriolet deux places représente une espèce en voie d’extinction : la voiture plaisir. Un modèle aux allures sportives, mais au tempérament plus calme qu’il y paraît, souvent décapotable, plutôt accessible, qui se tient aux antipodes des contraintes de fonctionnalité et en tire une certaine fierté. Une « voiture d’égoïste », taillée pour l’évasion et que l’on aime pour ses défauts. Le remède idéal à la crise de la cinquantaine, et pas forcément pour les hommes. La dictature de la grande série alimente la tendance au tout-SUV, à laquelle seules résistent encore les berlines. Inspirée des roadsters anglais et italiens des années 1960, la MX-5 (à partir de 26 400 euros en version 1,5 litre 132 ch et de 32 200 euros en version 2 litres 184 ch) fête son trentième anniversaire avec une série spéciale très léchée (35 500 euros), comme pour signifier qu’elle entend maintenir la flamme.
La petite japonaise procure des sensations que peu de véhicules sont en mesure de proposer. Assis au ras du bitume (une position devenue incongrue tant les autres véhicules, quelle que soit leur catégorie, ont poussé en hauteur), les occupants ont l’impression de foncer à 110 km/h alors qu’ils ne roulent qu’à 70.
La suspension est raffermie, donc modérément confortable, mais on s’en moque. Au contraire, cette raideur amplifie le sentiment de maniabilité de la MX5, qui se comporte comme un kart avec sa direction franche du collier, son châssis-poutre et son poids plume, qui dépasse à peine les 1 000 kg. Un rapport poids-puissance autrement plus aguichant que le reste de la production automobile. Cette voiture diffusée à un million et quelque d’unités en trois décennies (dont plus de 11 500 en France, où il s’en immatricule plus d’un millier chaque année) s’accompagne d’une gestuelle et parfois d’une gymnastique particulières.
On apprend rapidement à décapoter ou recapoter tout en roulant avec un geste large mais précis du bras, qu’il faut habilement déployer derrière soi. Le poignet droit doit travailler en souplesse pour manier avec dextérité le pommeau ultracourt du levier de vitesses. La MX-5, dont la moyenne d’âge des acheteurs tutoie les 50 ans, se présente symboliquement comme une voiture de jeune et il faut sauver les apparences. Il convient donc, aussi, d’apprendre à s’extraire avec un minimum d’agilité de ce roadster qui, comme on l’a vu, assied ses occupants très bas.
Composée de femmes pour près d’un tiers, la clientèle française recrute largement parmi le vivier des anciens motards, émoustille les seniors et parfois aussi des conducteurs plus jeunes qui l’utilisent au quotidien. La Mazda, fort appréciée aux Etats-Unis, où elle fut introduite en 1989, occupe – avec sa sœur jumelle, la Fiat 124 Spider – une position enviable qu’aucun constructeur ne songe pourtant à lui disputer. Hormis, peut-être, Suzuki avec son mini 4 x 4 Jimny, handicapé par le lourd malus écologique engendré par ses rapports de transmission très courts. Autour de cette petite bagnole à laquelle le rouge va si bien, les défections se sont multipliées ces dernières années.
Les coupés-cabriolets Peugeot, Renault, Nissan ou Ford ont jeté l’éponge. Les descendantes des voitures de plage (la Citroën C3 Pluriel, héritière de la Méhari) ont tiré le rideau, et les inclassables petites fantaisies du genre Renault Wind ou Daihatsu Copen ont fait long feu. Parmi les désistements les plus récents, on citera la Volkswagen Coccinelle (et sa variante cabriolet), dont la production a cessé le 10 juillet, de même que la décapotable Opel Cascada. Seuls demeurent des joujoux de haut de gamme (Mercedes SLK, BMW Z4, Porsche 718 ou Alpine A110), mais qui boxent dans une tout autre catégorie. Eux non plus ne sont pas toujours à l’abri de la rigueur des temps, à l’image de l’Audi TT, icône de la marque depuis plus de vingt ans et dont l’avenir semble très incertain.
Le regard dans le rétro Si les constructeurs négligent le segment, pourtant valorisant, de la voiture plaisir, ce n’est pas par manque d’audace, déficit d’imagination ou excès de conformisme. Le drame du cabriolet chic et sympa ou de l’élégant petit coupé sans prétention, c’est qu’il fait perdre beaucoup d’argent. « En tant que marque latine, on nous suggère souvent de lancer un cabriolet, mais ce ne serait pas du tout rentable. Désormais, pour atteindre le point d’équilibre, un modèle doit se maintenir à un niveau de production toujours plus élevé », souligne Sébastien Guigues, directeur général de Seat France. Sans compter que le développement d’une nouvelle voiture représente un investissement « compris entre 500 millions et 1 milliard d’euros ».
Cette dictature de la grande série alimente la tendance au tout-SUV (près de 40 % des ventes) à laquelle seules résistent encore les berlines. L’évidence ne peut plus être niée : la biodiversité automobile se trouve en grand danger. Les breaks se font rares, alors que cabriolets, coupés ou monospaces connaissent un déclin accéléré. Même les versions trois portes sont devenues introuvables. Alors, pour tenter de donner le change, certaines marques ont élaboré des cocktails en mode « crossover », à base de mélange des genres. Elles ont conçu des SUV découvrables (le Range Rover Evoque ou le prochain Volkswagen T-Roc cabriolet) et des SUV coupés (BMW X6) lourds, ultrasophistiqués et bien trop chers.
Loin de la voiture plaisir, ses prix et ses moteurs raisonnables, sa simplicité et son peu d’appétit pour l’ostentation. Alors, à force de ne pas trouver leur compte dans le catalogue des nouveautés, les amateurs de la voiture-joujou sans chichis, évocation d’un temps où l’automobile pouvait être une envie, voire une lubie, ont regardé dans le rétroviseur. Ils y ont souvent trouvé leur bonheur. Une Citroën Méhari réhabilitée, une Renault Caravelle sauvée de la rouille, un coupé Peugeot 204 dûment restauré ou une Mini Moke remise à neuf. Le succès de la voiture ancienne est aussi le signe que la nature automobile à horreur du vide.
Source : le monde.fr-automotomagazine