Témoin de notre déclassement, l’industrie automobile a abandonné le marché lucratif du luxe à nos voisins depuis plusieurs décennies. Explications. Faut-il encore remuer le couteau dans la plaie?
La Peugeot 508 PSE, qui s’apprête à investir le paysage, est l’arbre qui cache la forêt. Depuis la dernière guerre mondiale, la roue a tourné. L’industrie automobile française a été reléguée en deuxième division. C’est tout le paradoxe de la France. Alors qu’elle donne le la dans l’industrie du luxe, l’automobile a été incapable de renouer avec son statut d’avant-guerre.
Une situation qu’elle traîne comme un héritage, depuis la descente aux enfers commencée dans les années 1930, à la suite du krach boursier de 1929.
La 4 CV de Renault est la voiture la plus vendue en France jusqu’en 1955...
La tendance se confirme de mois en mois: la France devient de plus en plus le paradis des petits véhicules. 55% des voitures neuves immatriculées dans l'Hexagone sur le quadrimestre étaient en effet des "petites" (Twingo, 208), selon le CCFA (Comité des constructeurs français), contre 52% sur les quatre premiers mois de 2013, 50% il y a deux ans. C'est très au-dessus de la moyenne ouest-européenne (43% seulement). Au sein du Vieux continent, la France adopte le profil d'un pays pauvre en matière automobile.
Toutes les autres catégories de voitures chutent en France (proportionnellement).
Les "compactes" (Renault Mégane, Peugeot 308) ne sont plus qu'à 30% du total des immatriculations de voitures neuves, contre 31% un an auparavant. Les ventes de "compactes" en France sont cependant dans la moyenne ouest-européenne. Ce n'est nullement le cas des autres segments à plus forte valeur ajoutée et hautes marges. Eux sont carrément en berne.
Les familiales (gamme "moyenne supérieure" Peugeot 508, Citroën C5) pèsent à peine 12% du marché en France, contre 13% en 2013 et... 17% de moyenne en Europe occidentale. Enfin, le "haut de gamme" est réduit à presque rien: 4% à peine du marché français, contre 5% il y a deux ans et 11% en moyenne pour l'Europe occidentale (attention: les pourcentages du CCFA sont des arrondis, leur somme pouvant ne pas faire 100%)...
Pas étonnant, dans ces conditions, que Renault et PSA soient des spécialistes de petits véhicules... qui ne se vendent quasiment qu'en Europe occidentale, principalement du sud. En effet, la plupart de ces petits véhicules - sauf les Dacia - sont trop chers pour l'Inde ou le Brésil, des marchés portés eux aussi sur les "petites". Et ces modèles sont pratiquement invendables en Russie, Chine, Asie du sud-est, au Moyen-orient et en Amérique du nord.
"Made in France" pas favorisé
Favorisés par les pouvoirs publics par le discriminant bonus-malus prétendument écologique et les discours anti-automobiles, ces petits modèles à marge faible ou négative - sauf les Dacia à bas coûts - sont en grande partie produits à l'étranger!
C'est le paradoxe français. Les Dacia à bas coûts de Renault sont fabriquées à Pitesti, en Roumanie, et à Tanger, au Maroc. Mais la petite Renault Twingo est aussi assemblée ailleurs qu'en France, à Novo Mesto en Slovénie. 60% des Clio sont fabriquées à Bursa, en Turquie. Le petit "crossover " Captur est importé de Valladolid, en Espagne.
Les Peugeot 107 et Citroën C1 proviennent de Kolin, en République tchèque. Le C3 Picasso est assemblé à Trnava, en Slovaquie. PSA a d'ailleurs averti récemment que les "petites voitures généralistes" seraient à l'avenir fabriquées hors de France.
PSA perd trop d'argent à produire des Citroën C3 ou une partie des Peugeot 208 dans l'Hexagone.
Les "compactes" de Renault et PSA sont certes produites en France - sauf la Renault Mégane assemblée en Espagne. Ouf. Oui, mais il y a un gros bémol. Leurs volumes de production chutent fortement. Renault a produit ainsi l'an passé 258.000 Mégane III seulement (y compris le monospace Scénic), trois fois moins qu'il y a dix ans.
Chez Peugeot, la gamme compacte (308, 3008) a été fabriquée à 400.000 véhicules l'an passé, contre 515.400 modèles 307 en 2005.
Le haut de gamme? Fini
Côté "moyennes supérieures", toutes produites en France pour le marché européen, c'est là un véritable plongeon. La gamme "moyenne supérieure" de Renault a quasiment disparu en dix ans. La familiale Laguna a totalisé 17.900 unités produites en 2013, contre 145.000 il y a dix ans! Cette gamme représente... moins de 1% des ventes totales du groupe Renault aujourd'hui (hors filiale coréenne Renault-Samsung), contre 10% il y a dix ans.
PSA n'a produit que 86.800 Peugeot 508 l'an dernier - dont une bonne partie en Chine -, contre 259.000 Peugeot 407, son prédécesseur, en 2005. A l'époque, toutes ces 407 étaient d'ailleurs assemblées dans l'Hexagone. Quant aux limousines de "haut de gamme" tricolores, elles n'existent plus! Fini les 607, C6, Vel Satis. Quant aux gros "SUV", on n'en trouve tout simplement pas au catalogue des marques tricolores.
La prépondérance des petites voitures risque d'ailleurs de se renforcer, avec l'arrivée de nouveaux modèles comme les Twingo III, 108 et C1 II, produites en Europe de l'est.. Le futur Citroën C4 Cactus est, quant à lui, prévu pour un assemblage à Villaverde, en Espagne.
Bref, l'orientation croissante de la France vers un marché de "petites" est largement défavorable au maintien de l'emploi dans la filière automobile hexagonale.
Source :latribune.fr/lefigaro.Direct Auto
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