Lorsque mon ami Cédric Faiche, grand amateur d’automobile officiant sur BFM TV, m’envoie hier un petit message doublé d’une photo me disant « tu en as parlé de celle-là », mon sang n’a fait qu’un tour !
Me connaît-il si bien pour savoir que je travaille depuis quelques jours sur la Brissonneau et Lotz « Louis Rosier » ? Faut croire que les grands esprits se rencontrent. Car aujourd’hui donc, voici un petit article sur ce roadster séduisant sur la base d’une Renault 4CV.
Le premier sketch du cabriolet imaginé par Louis Rosier
Pour être franc, j’ai découvert ce modèle en fin d’année dernière seulement, en écrivant l’article sur la Marquis de Jean Rédélé (lire aussi : The Marquis).
La première voiture de Jean Rédélé, destinée aux Etats-Unis, partageait ses éléments avec la Rogue, réalisée sur la base d’une barquette Rosier. C’est ainsi que j’ai appris que Louis Rosier, pilote émérite, s’était aussi essayé à la construction automobile. Et que l’une de ses créations sera construite en série à titre posthume par Brissonneau et Lotz sous le nom en forme d’hommage de « Louis Rosier ».
Catalogue Brissonneau et Lotz Rosier (image André Leroux)
Rembobinons le film. La « Louis Rosier » est née de la volonté de Louis Rosier de fabriquer ses propres voitures au début des années 50, et à Brissonneau et Lotz, sous la houlette du jeune Yves Brissonneau, de se diversifier dans l’automobile. Car pour ceux qui, comme moi, se passionnent pour la chose industrielle, le nom de Brissonneau et Lotz ne vous est pas inconnu. Née au 19ème siècle, l’entreprise nantaise est devenue, au cours du 20ème, un grand constructeur de matériel ferroviaire, aujourd’hui filiale d’ALSTOM.
Ses anciennes usines Rochelaises (à Aytré pour être précis) assemblent encore aujourd’hui nos bons vieux TGV (et en assurent la maintenance ou la remise à niveau).
Catalogue Brissonneau et Lotz Rosier (image André Leroux)
Dès 1951, Louis Rosier, dont l’activité automobile ne s’arrête pas à la course (et à son écurie) mais qui est aussi à Clermont-Ferrand l’un des plus gros concessionnaires Renault de France (il y vend aussi du matériel agricole), réalise un prototype sur la base de la 4CV. Mais c’est son deuxième coup d’essai réalisé en 1953 avec l’aide du carrossier italien Rocco Motto qui sera le bon : un superbe cabriolet sur la base (toujours) de la 4CV R1062, et dotée donc du 747 cm3 de 21 ch placé à l’arrière.
La rencontre avec Yves Brissoneau va-être déterminante. Décidée à rentrer dans le monde de la construction automobile, le jeune héritier offre à Louis Rosier les moyens industiels qui lui manquaient. Enfin, « moyens industriels » est un bien grand mot : Brissoneau et Lotz construira dans un premier temps les autos entre les trains, et l’utilisation d’une carrosserie en polyester permettra cette production en petite série (seules les portes sont en acier), dans son usine du nord de Paris, à Creil.
Qu’importe, Brissonneau est là pour apprendre.
Au Salon de Paris 1956, la voiture est présentée au public mais l’aventure prend un tour tragique : au même moment, à Montlhéry, Louis Rosier se tue et ne verra pas sa voiture entrer en production ! C’est donc en forme d’hommage qu’elle prendra le nom de Rosier, tout simplement. Il sera produit entre 1957 et 1959. Le chiffres de productions oscillent, selon les sources, entre 200 et 233 exemplaires. Autant dire que la Rosier ne sera pas un succès, malgré son prix compétitif. La faute sans doute à une fiabilité aléatoire, et à des performances peu en rapport avec le passé prestigieux en course de Louis Rosier.
Non la Rosier n’est pas une sportive, malgré son look avenant ! Enfin, il est toujours difficile de vendre sans vrai réseau commercial.
Mais pour Brissonneau et Lotz, l’aventure Rosier permettra de se faire la main, et d’apprendre le métier de constructeur automobile. Cette première aventure permettra de gagner le marché de l’assemblage de la Renault Floride (puis Caravelle) à partir de 1959 dans l’usine Brissoneau et Lotz de Creil. A partir de 1968, Brissonneau et Lotz assure la peinture, l’installation de l’électricité et des habillages intérieurs de l’Opel GT, dont les caisses étaient embouties (comme pour la Floride) chez Chausson, avant de réexpédier le tout à Bochum pour l’assemblage final.
La collaboration entre Opel et le constructeur français cessa en 1973. Brissonneau et Lotz réalisera aussi en cette fin des années 70 la carrosserie en résine époxy de la Matra 530 avant que la production ne soit rapatriée à Romorantin en avril 1969.
L’activité automobile aurait pourtant pu perdurer. Dès 1967, l’entreprise décide de créer un bureau de style, et recrute chez Mercedes un certain Paul Bracq. Il va réaliser une version coupé très dynamique de la BMW 1600ti. La voiture plaît à BMW qui envisage alors de la produire en petite série chez le constructeur français.
Mais la pression du gouvernement français (qui voit d’un mauvais œil la collaboration avec des constructeurs étrangers) fit capoter le projet, et Renault racheta l’entreprise pour ensuite la démanteler (la partie ferroviaire sera vendue, et tandis que la partie automobile sera intégrée à Chausson, rachetée elle aussi par Renault).
Paul Bracq en profita pour passer le Rhin et commença une fructueuse collaboration avec BMW.
La BMW 1600 TI dessinée par Bracq qui devait être fabriquée par Brissonneau et Lotz
L’aventure automobile s’arrêta donc en 1973 avec les dernières Opel GT. Enfin pas tout à fait puisque l’usine de Creil continuera de produire des véhicules utilitaires sous la marque Chausson, puis des Trafic pour Renault, (et même un temps des Peugeot 104 – à 6400 exemplaires seulement – , des 205 et des 504 Pick up). L’usine cessera toute activité en 1996 après d’âpres luttes sociales. Reste aujourd’hui le souvenir des petits cabriolets Louis Rosier, dont seuls 20 exemplaires ont survécu aujourd’hui (et seulement 7 roulants). Un exemplaire est visible au musée automobile de Lohéac.
Source : PAR PAUL CLÉMENT-COLLIN-Les photos proviennent du site www.delcampe.net