D’autres ont déjà jeté l’éponge. Derniers de cordée, ces modèles compacts qui pesaient à eux seuls 10 % des immatriculations européennes il y a dix ans sont passés sous la barre des 2 %.
Les spécialistes n’hésitent pas à évoquer « un processus de ringardisation » désormais irréversible. « A ce rythme, plus aucun monospace compact ne sera commercialisé dans deux ou trois ans », conclut une étude du consultant Inovev. « Le point de bascule remonte à 2016 et depuis la tendance s’est confirmée et accélérée. Les constructeurs sont passés à autre chose ; au SUV », souligne Eric Espinasse chez Autoways.
Selon cet expert, « les sociologies du monospace et du SUV présentent une forte similitude ; des ménages plutôt aisés, pas forcément des familles nombreuses ».
En 2015, le Peugeot 3008 était diffusé à 35 000 exemplaires. En 2019, devenu SUV, il s’est vendu à plus de 75 000 unités.
La concurrence des ludospaces
Phagocytés par les faux 4 × 4, les monospaces doivent aussi subir la loi des ludospaces (Citroën Berlingo, Renault Kangoo), ces utilitaires embourgeoisés dont les ventes leur sont supérieures depuis le premier semestre.
Moins chères, plus spacieuses et synonymes d’achat malin, avec à la clé le sentiment vaguement contestataire de « rouler différent », ces camionnettes devenues très policées risquent de porter le coup de grâce aux monospaces.
Au fait, qu’ont-elles donc fait pour mériter un tel opprobre, ces voitures dont aucun SUV ou ludospace ne peut prétendre faire aussi bien en matière de modularité intérieure (banquette coulissante, sièges mobiles, plancher plat…) ?
Sans oublier qu’elles sont imbattables en termes de rapport habitabilité-encombrement ?
Le monospace a assouvi l’aspiration largement partagée à voyager à bord d’une voiture dominant le trafic, mais il a échoué à résoudre la crise de la quarantaine de certains automobilistes.
« Il y a une dizaine d’années, on a commencé à s’apercevoir que l’utilisateur de monospace souffrait d’être réduit au rang de “chauffeur de la famille”, et aspirait à un véhicule familial qui serait davantage centré sur le conducteur, plus valorisant au plan individuel. Ce besoin, c’est le SUV avec son parfum d’aventure et ses grandes roues qui a permis d’y répondre », analyse Michel Costa,
responsable des études clients chez Citroën.
Un glissement autant sociétal qu’automobile
Le déclin du monospace et des valeurs qui y sont liées – traitement égalitaire des occupants avec, par exemple, l’affichage de la vitesse visible par tous, ouverture sur l’extérieur grâce aux larges surfaces vitrées, formes plus douces, message statutaire moins explicite – dessine un glissement autant sociétal que proprement automobile.
« Les partisans du monospace refusent un certain repli sur soi et prônent une forme de partage, de convivialité », considère Michel Costa. Chez Citroën, on assure ne pas vouloir faire son deuil de ces aspirations. Avec son look débonnaire, ses rondeurs maternantes, ses trois sièges arrière individuels, coulissants et escamotables, le C5 Aircross, le plus grand des SUV de la marque aux chevrons, revendique explicitement une part de l’héritage des monospaces.
Source : Jean-Michel Normand-lemonde.fr -ina.fr