lundi 18 novembre 2024

CLUB5A - VOITURE DE LÉGENDE - RANGE ROVER...LE JUBILE D'UN ROI .....

En l’espace de cinq décennies, l’ancêtre des SUV est passé du statut de break baroudeur à celui de roi du raffinement. Année 1970. Plus rien ne sera jamais comme avant. Citroën rejoint l’élite du grand tourisme avec la SM, un grand coupé à moteur Maserati capable de rouler à 220 km/h. Volkswagen s’essaie à la traction avant avec la grande berline K70. Et les Anglais? Comme d’habitude, ils ne font rien comme tout le monde. Le 17 juin 1970, la British Leyland Motor Company, société créée en 1968 et regroupant à la demande du gouvernement britannique la plupart des constructeurs anglais (Jaguar, Land Rover, Leyland Trucks, Austin Rover, Triumph, Coventry Climax), lève le voile sur le Range Rover. 
Débarqué comme un extraterrestre sur notre planète, ce véhicule est une drôle d’espèce. C’était il y a cinquante ans. Autant dire presque l’âge de la pierre pour l’automobile qui ne vivait qu’autour de quelques silhouettes de carrosserie. L’idée, comme quelques années plus tard pour le monospace, a germé dans l’esprit de ses géniteurs lors d’un voyage d’études aux États-Unis. De ce côté de l’Atlantique, l’avènement de la société des loisirs se concrétise par l’éclosion d’une nouvelle race de véhicules, à la jonction entre le 4x4 et la berline routière. S’appuyant sur le succès des International Harvester Scout, Ford Bronco et Jeep Wagoneer, Charles Spencer King, l’ingénieur chargé du développement des nouveaux produits chez Rover, jette les bases d’une véritable révolution. Ironie de l’histoire: l’Amérique du Nord qui fut la source d’inspiration attendra dix-sept ans avant de voir débarquer cette fierté britannique.
 Les traits de génie du Range, baptisé lors de sa genèse «break de 254 cm d’empattement», repose sur le mariage des aptitudes en tout-terrain d’un Land Rover et les qualités routières d’une Rover. Ce cocktail inhabituel est servi dans une silhouette simple et carrée qui a subtilement évolué au fil des décennies. Comme les autres icônes du paysage automobile que sont la Mini Cooper, la Porsche 911 ou la Volkswagen Beetle, le Range Rover reste encore aujourd’hui immédiatement reconnaissable. Le dessin ne nécessitant que trois à quatre coups de crayon repose sur des principes immuables:des flancs plats, une grande surface vitrée et une ceinture de caisse basse, l’aspect flottant du pavillon renforcé par les montants de pare-brise peints en noir, le profil vertical de la proue et de la poupe, et un capot crénelé sur les extrémités afin de distinguer les bords du véhicule. 
Cette impression de dominer la route et tout ce qui roule sera renforcée par l’adoption d’un V8 3,5 litres d’origine GM délivrant 135 ch. Autres innovations qui paraient le Range des vertus d’un 4x4 moderne: une transmission intégrale permanente évitant de se battre avec une poignée de leviers récalcitrants, des freins à disques sur les quatre roues et des suspensions à ressorts hélicoïdaux empruntées aux berlines. Non content de créer un nouveau segment de marché, le Range bouleversait le monde des 4 x 4 représenté jusque-là par des engins poussifs et poussiéreux. 
Pour la première fois, un 4x4 devenait une alternative crédible à la berline. Comme tous les objets en avance sur leur temps, le Range n’échappait pas à une vague d’inquiétudes. Le choix du patronyme fut le premier casse-tête du service des ventes. Si les premiers prototypes furent baptisés Velar, en référence à l’espagnol velar qui signifie «surveiller», il fut question de retenir Léopard ou Panther avant que l’un des stylistes propose le nom Range. A qui se destinait ce véhicule qui ne ressemblait à aucun autre et qui était plutôt cher? Nommé break Range Rover dans le premier dossier de presse, ce 4x4 d’un genre nouveau s’adressait à une cible que les dirigeants avaient identifiée comme suit: officiers de haut rang, ingénieurs de chantier et agriculteurs aisés. 
En fait, le Range chassait sur les terres de la berline statutaire plébiscitée par les chefs d’Etat, les professions libérales, les chefs d’entreprise et les vedettes du show-business. Ce tout-terrain confortable renvoyait une image sympathique de gentleman-farmer. Les adeptes de la maison de campagne le week-end tenaient enfin leur couteau suisse à quatre roues. Un véhicule polyvalent revendiquant les aptitudes d’une routière de haut rang et des talents pour se frotter à l’exercice du franchissement. Le Range était capable de rendre tous les services: véhiculer la famille, s’enfoncer dans les chemins creux, tracter une remorque, un bateau ou un van. Apôtre d’un certain art de vivre tout en affirmant un statut social, le Range Rover n’était pourtant pas le véhicule de luxe qu’il est devenu aujourd’hui. 
Au début, il était loin de disposer de garnissages dignes d’un modèle de prestige. Comme son grand frère Land, le Range ne craignait pas la boue sur le mobilier. L’habitacle se caractérisait par des sièges en vinyle et des revêtements de plancher en vinyle et caoutchouc moulé afin de faciliter leur nettoyage au jet. Le plancher de coffre, en métal nu sur les premiers exemplaires, et la trousse à outils exposée sans protection reçurent bientôt un garnissage. L’intervention du palais de Buckingham qui fut parmi les premiers clients de ce 4x4 chic se révéla déterminante. Véritable diamant, le Range plaît. Au-delà des espérances. L’incapacité de l’usine à satisfaire la demande encourage la naissance d’un marché parallèle. Pendant ce temps, ce 4x4 se prête à toutes les fantaisies. Que ce soit devant le perron d’un château, dans la boue à patauger, ou déguisé en voiture de course, le Range est partout dans son élément. La position de conduite haut perchée participe à la sensation de bien-être.
 En 1972, il s’engage dans la traversée du bouchon de Darién, une jungle marécageuse de 160 kilomètres qui sépare le Panamá et la Colombie. Puis, l’aventure du Paris-Dakar lui permet d’affirmer sa robustesse et son endurance. Concessionnaire Land Rover à Malakoff, en banlieue parisienne, René Metge se souvient avec émotion de l’engouement soulevé par sa victoire dans l’édition 1981. «À mon retour au garage, j’ai vu défiler la clientèle des beaux quartiers qui voulaient tous un Range. Devenu le premier marchand de l’Hexagone, j’ai déclenché la venue des dirigeants qui voulaient analyser le phénomène. Ils n’avaient jamais vu cela», se souvient le pilote aventurier. Bombardé roi des sables, le Range Rover ne laisse pas insensible les grands de ce monde et les stars du sport et du show-business. 
Le prince Rainier de Monaco, mais aussi Omar Bongo, le président du Gabon, Jane Fonda, Rod Stewart, Bruce Willis, Madonna, Jack Nicholson, Mike Tyson et Bruce Springsteen ont craqué pour ce monument de l’automobile. Certains vont même jusqu’à le transformer. À la tête d’une incroyable collection automobile, le sultan de Brunei se fait réaliser un Range en or pour les cérémonies officielles. C’est aussi pour la revue des troupes militaires que la reine d’Angleterre fit exécuter, dès les débuts du Range, une version pick-up découvrable équipée d’un vitrage latéral remontant très haut et d’une finition en cuir. Plusieurs versions cabriolet suivront. La dernière réalisée, sur la base du Range actuel, comporte deux strapontins au niveau de l’espace arrière et d’un marchepied escamotable sous le soubassement arrière pour faciliter l’accès.
 De même, pour ses déplacements personnels, la reine Elisabeth II utilise régulièrement une version blindée réalisée par la division des véhicules spéciaux du constructeur. Véritable coffre-fort sur quatre roues, ce véhicule doté de vitres de 40 mm d’épaisseur et de renforts de carrosserie en kevlar résiste à des tirs de fusils d’assaut, de lance-roquettes et de grenades. Plusieurs chefs d’Etat ont craqué pour ce bijou avouant 3,5 tonnes sur la bascule. C’est aussi de crainte d’un attentat que le pape Jean-Paul II commandera un Range blindé. Le département spécial réalisera deux versions modifiées pour sa visite de six jours au Royaume-Uni en 1982. Ces véhicules se caractérisaient par une partie arrière surélevée et vitrée à l’épreuve des balles. 
C’est encore un escadron de 10 Range Rover noirs qui véhiculera la famille Jackson en 2009 pour les funérailles du roi de la pop. Un quart de siècle après sa naissance, le Range Rover accède enfin au standing d’une limousine, gagnant le surnom de Rolls du 4 x 4. L’habitacle se pare de moquettes, de garnissages en cuir et de boiseries. Initialement préparée pour une séance de mode organisée par le magazine Vogue à Biarritz en 1981 et mettant en scène les produits Jaeger et Lancôme, la version Vogue devient la finition la plus luxueuse du catalogue. Le célèbre armurier Holland &Holland pose aussi sa griffe sur les flancs de la carrosserie. Ces exécutions ultra-exclusives se signalent par un coffre transformé en dressing avec des rangements à tiroirs et un bar livré avec un service complet en cristal. Portés par des prestations d’un raffinement exquis, les moteurs montent en puissance. 
Les tarifs aussi. Alors que les spécialistes allemands de la grande routière investissent le marché, le Range continue sa progression vers les sommets. La troisième génération introduite en 2001 (L322) renforce encore son extraordinaire polyvalence. Le Range survole les débats. Il ménage une façon de rouler différente qui ne manque pas de cachet. Pour ses quarante ans, il s’offre une cure de jouvence. Ce poids lourd de la catégorie s’est lancé dans une nouvelle course en avant pour conserver ses distances face à une concurrence de plus en plus aiguisée. Quoi que fassent ses rivaux, il reste campé sur son piédestal. Pour se mettre à la page, le nouveau V8 Diesel 4,4 litres double turbo de 313 ch accueille une boîte automatique à 8 rapports. 
Quant aux V8 à essence estampillés Jaguar, ils délivrent de 375 à 510 ch en version suralimentée. Depuis 2013, il a encore gagné en raffinement et devient même le SUV avec chauffeur grâce au lancement d’une version rallongée de 5,15 m. Enfin, début 2018, son statut haut de gamme est rehaussé par une nouvelle évolution stylistique et l’arrivée d’une version hybride rechargeable de 404 ch. Elle associe un 4-cylindres 2 litres turbo de 300 ch à un moteur électrique de 116 ch alimenté par une batterie de 13,1 kWh de capacité. Le sommet de la gamme est représenté par les V8 5 litres suralimentés de 525 et 565 ch. Symbole de l’excellence britannique, le Range Rover a fait des petits depuis 2005. La version Sport a démontré qu’il y avait une place au niveau inférieur pour un véhicule paré des vertus et de l’esprit de son aîné. Les clients ont adhéré à ce concept au-delà des espérances. Et le Velar renforce encore le pouvoir d’attraction de la marque depuis 2017. Mais le Range Rover reste unique. Les amateurs du genre attendent désormais la nouvelle génération qui ne saurait tarder. 
Source : lefigaro.fr - hmc62100