Face à une criminalité jugée de plus en plus mobile, plusieurs sénateurs plaident pour élargir l’usage des caméras LAPI afin d’accroître la réactivité des forces de l’ordre sur tout le territoire. La LDH alerte sur un risque de surveillance de masse et d’atteinte à la vie privée. Les automobilistes connaissent la technologie LAPI par le biais des voitures qui contrôlent automatiquement le stationnement, ce qui ne cesse de susciter des stratagèmes d’évitement - cacher sa plaque avec une feuille, un torchon ou même une palme de plongée.
Mais la technologie LAPI - l’ensemble des caméras, fixes ou mobiles, capables de scanner automatiquement les plaques d’immatriculation et de photographier les occupants des véhicules - ce n’est pas que le stationnement. Dans d’autres pays, à la frontière belge par exemple, la LAPI est utilisée pour lutter contre la délinquance : vols de voitures, cambriolages, refus d’obtempérer.
En France, ces dispositifs sont actuellement utilisés de manière encadrée par les forces de l’ordre pour lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée ou le vol de véhicules. La loi n’autorise pas d’usage supplémentaire, ce que 23 sénateurs veulent faire évoluer.
LAPI sur toutes les caméras de France ?
Exit la liste précise : place à un simple seuil de peine. Désormais, tous les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement par le Code pénal ou le Code des douanes seraient concernés.
Les 23 sénateurs y voient un «assouplissement raisonnable», permettant d’établir un «seuil de gravité d’infraction au-delà duquel la consultation est autorisée» plutôt qu’une liste jugée trop rigide. Concrètement, cela ouvrirait l’usage des LAPI à une multitude d’infractions sans lien avec le terrorisme ou la grande criminalité : escroqueries, certains vols simples avec circonstances aggravantes, infractions économiques...
Mesure plus technique, la proposition (article 2) prévoit d’allonger significativement les délais de conservation des données collectées : de 15 jours à un mois pour les données sans correspondance avec les fichiers de recherche, et d’un mois à deux mois en cas de rapprochement positif avec un véhicule signalé.
Mais c’est le troisième article de la proposition qui constitue la mesure la plus spectaculaire. À partir du 1er janvier 2028, tous les nouveaux systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique devraient intégrer un dispositif LAPI photographiant les plaques et les occupants des véhicules. Cette généralisation transformerait les dizaines de milliers de caméras de surveillance municipales en potentiels outils de fichage automobile permanent.
La Ligue des droits de l’homme monte au créneau
Le 5 décembre dernier, la Ligue des droits de l’homme (LDH) s’en est mêlée dans un vif plaidoyer pour dénoncer la proposition. Avec le nouveau texte, «la quasi-totalité des incriminations du Code pénal et du code des douanes ferait désormais l’objet de ce contrôle automatisé», alerte la LDH. Cette «généralisation de la surveillance apparaît donc excessive, n’étant ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée au but poursuivi».
L’article 3 de la proposition suscite les critiques les plus vives. La LDH considère que la mesure «renforce considérablement» la surveillance «dans le sens d’une surveillance généralisée des personnes» et «accroît ainsi de manière inédite les moyens déjà existants du contrôle social de toute personne dans l’espace public sur l’ensemble du territoire, ce qui constitue une gravissime atteinte aux libertés et droits fondamentaux».
Un conflit entre sécurité et liberté
Les 23 sénateurs, eux, justifient cette extension par la nécessité de «donner aux forces de l’ordre les moyens d’agir efficacement» face à «l’évolution constante des pratiques de la criminalité organisée». Selon eux, la réglementation actuelle serait «trop limitée» et empêcherait d’exploiter pleinement le «potentiel important» de cette technologie «en matière de protection des biens et des personnes».
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la fameuse CNIL, n’a pas encore examiné la proposition de loi sénatoriale, mais elle a récemment rendu un avis sur les évolutions réglementaires des dispositifs LAPI (délibération n°2024-043 du 13 juin 2024). L’autorité administrative indépendante posait un principe : elle «rappelle qu’une vigilance particulière doit entourer la mise en œuvre des LAPI en raison des risques potentiels qu’ils comportent au regard de la protection des libertés individuelles et de la vie privée».
En bref, la proposition de loi sur les LAPI cristallise une tension classique entre sécurité et libertés. D’un côté, les sénateurs porteurs du texte mettent en avant l’efficacité opérationnelle et la modernisation des outils policiers. De l’autre, les défenseurs des libertés y voient une dérive vers la surveillance généralisée, disproportionnée et potentiellement inconstitutionnelle. Le débat parlementaire devra aborder cette question, première étape avec la discussion en séance publique le 17 décembre au Sénat.
Source : lefigaro.fr - Merci DAVID SARDA pour le suivi de l'info...





