Alors que les salons automobiles modernes peinent à attirer exposants et publics, à l’instar de Genève qui annonce encore son annulation en 2022, ceux dédiés aux véhicules anciens sont particulièrement attendus, et très courus. Epoqu’auto, est l’un des plus anciens et plus importants événements consacrés aux véhicules de collection. Le salon lyonnais fêtait cette année sa 42e édition, après l’annulation contrainte par la crise sanitaire l’an passé. Avec 800 exposants répartis sur 70 000 mètres carrées sur plusieurs halls, Epoqu’auto, qui vient d'annoncer avoir battu un record de fréquentation, peut ainsi se targuer d’être le premier salon français dans le genre, juste devant Rétromobile à Paris en nombre d’exposants.
Mais la comparaison s’arrête là, tant les deux événements phares nationaux sont différents.
Deux philosophies
Epoqu’auto est organisé par un club de bénévoles, les 3A, tandis que Rétromobile l’est par une société événementielle, Comexposium. Le salon lyonnais est plus orienté "brocante" et « clubs régionaux » bien que des marchands et restaurateurs nationaux ou Suisses y soient aussi présents. La vente aux enchères de Lyon offre aussi des opportunités plus abordables qu’à Paris, avec un accès libre aux véhicules, sans obligation d’achat du catalogue. L’événement parisien est clairement plus "haut de gamme", du fait de ses marchands internationaux, plus nombreux, et présentant des véhicules globalement plus exceptionnels et plus chers… Pour autant, les véhicules exposés à Epoqu’auto, autour de thématiques choisies par l’organisateur, ou au gré de l’offre des professionnels, sont souvent rares et chargés d’histoire(s).
Les deux salons sont finalement assez complémentaires, et d’ailleurs, visités en général l’un et l’autre.
Saucisson et "chine"
Dès lors, l’ambiance est plus décontractée à Lyon. On y croise moins de "costumes-cravates", et le climat y est très convivial, la tradition gastronomique locale se retrouvant sur les stands ou le saucisson et le beaujolais (avec modération) se partagent dans une franche gaité. L’amateur de "chine" est comblé, avec l’accumulation d’objets garnissant les échoppes. Il y en a partout, sur des tables, accrochés en l’air ou au pied des tréteaux.
Il faut fouiller, lever les yeux, ou se baisser pour trouver son bonheur. Ensuite, place à la discussion et à la négociation, chacun se retrouvant sur un prix jugé convenable par les deux partis. Les clubs sont accueillants et on voit que la fréquentation est locale aux franches accolades entre des amis heureux de se retrouver et d’échanger sur leur passion.
Les différents plateaux thématiques alternent le prestige, avec Bentley cette année, et la nostalgie avec l’hommage rendu à la marque Simca ou aux 50 ans de la 4L. Une belle sélection de voitures de courses et de cycle-cars complètent ces expos, permettant de découvrir des constructeurs artisanaux quasi inconnus. Les jeunes ne sont pas oubliés, avec des présentations de "yougtimers", voitures des années 80/90 très collectionnées depuis quelques années. Il y a aussi des camions, des motos, et des véhicules de secours en témoignage de la reconnaissance aux soignants. Pour l’amateur d’anciennes, aucun doute, Epoqu’auto demeure un incontournable.
Le bonheur est dans le hall
Au-delà du caractère d’Epoqu’auto et de son charme, il y avait cette année une atmosphère particulière. Cela faisait deux ans qu’il ne s’était pas tenu et après les périodes de confinement, et malgré les incertitudes liées à la pandémie, il était manifeste que les visiteurs, comme les exposants, étaient heureux de se retrouver. En dépit des craintes des organisateurs, le public a massivement répondu présent, dès l’ouverture, et les allées étaient bien encombrées. Une certaine euphorie était même prégnante, les sourires et rires se propageant dans tous les halls.
Une sorte de sentiment de libération aussi, visible dans les attitudes et les échanges des protagonistes où le plaisir partagé était le maître-mot. Et les "affaires" semblaient aller bon train, et les différents points de restauration ne désemplissaient pas.
On se saluait, on se mêlait à des conversations d’experts, dans une ambiance joyeuse et conviviale. Et personne ne boudait le plaisir d’y être et d’en être. On ne savait pas à quel point ces moments avaient manqué et combien il était bon d’être à nouveau réunis autour de sa passion.
A l’extérieur, le parking (gratuit) réservé aux visiteurs venus en voiture ancienne (plus de 30 ans), était vite saturé, offrant un panorama hétéroclite de la production automobile des années 30 à 90. Manifestement, personne ne voulait manquer le rendez-vous, et certains étaient venus de loin au vu des immatriculations. Les organisateurs pouvaient donc être rassurés, leur salon retrouvant son âme au-delà de leurs espérances.
L’humain perdure
On pouvait craindre qu’avec Internet, et les angoisses légitimes du Covid, le « monde d’après » sonnerait le glas des grands rassemblements. Après tout, les ventes aux enchères en ligne ont très bien marché ces derniers mois, et les sites marchands sont légion.
Certes, les amateurs effectuent aussi des achats en ligne, mais rien ne remplace le contact humain et la chaleur d’un événement en "live". A l’instar d’un public préférant assister à un concert plutôt que de l’écouter derrière un écran, l’amateur de véhicules anciens a besoin de contacts "en vrai" et de partage. Voir, toucher, sentir un véhicule ne peut pas être restitué autrement qu’en réalité physique. Farfouiller dans une caisse à la recherche d’une pièce ou d’un document procure une émotion sans commune mesure avec le fait de dérouler une page web.
Vivre un loisir, voire une passion, comme le véhicule ancien, ne se borne pas à la quête et à la jouissance d’un objet.
Ce n’est jamais qu’un prétexte pour rencontrer les autres, partager avec eux des moments agréables, nouer des liens durables. Les clubs le démontrent sans ambiguïté, mais également les salons, car l’un comme l’autre favorise les relations sociales, sans considération de statut, d’âge ou d’origine.
Il est vrai que les amateurs d’anciennes sont en majorité des hommes, les dames appréciant cependant les voyages et les amitiés qui se nouent au sein des clubs ou des événements.
Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à rouler elles-mêmes en véhicule ancien et à animer les clubs. Les jeunes délaissent volontiers leur smartphone et leur tablette pour profiter d’un "youngtimer" et rejoindre la communauté des passionnés d’anciennes ; ils en sont aussi l’avenir. Autant de raisons d’être optimiste. Epoqu’auto aura donc une nouvelle fois permis de se rassurer sur le maintien, et même, peut-être, le renforcement des valeurs essentielles qui nous rassemblent : rapports humains et partage, autour de cette automobile qu'on aime tant.
Source : automobile-magazine.fr/-Joris Wabaki