De la fin des années 50 aux années 70, Nanou a été une figure du paddock. Elle a participé à la vie des pilotes, interprète des uns, secrétaire des autres, nounou de tous. A sa manière, elle est entrée dans la légende.
Elle nous raconte sa vie bien remplie...
Je suis née en 1928. Le berceau de ma famille est dans l'Ain, près de Lyon. J'avais deux ans quand ma mère a quitté mon père, et j'ai dû la revoir vers 12 ou 13 ans. Je me suis mariée à 17 ans pour m'émanciper et pouvoir quitter ma famille : je voulais vivre libre et ce n'était pas facile pour une jeune fille à cette époque. J'ai divorcé six mois plus tard !
Je me suis re-mariée avec un Français qui m'a emmenée vivre à New York. Deux ans après, je suis revenue à Paris où je vivais un peu en bohème, fréquentant des artistes.
Je posais en Casque d'Or pour un peintre de Montmartre. On allait dans un bistrot tenu par un ancien footballeur borgne. Là, en 1956, entendant parler anglais, j'ai sympathisé avec un groupe. C'étaient des coureurs à moto, une activité dont j'ignorais tout. Il y avait Reg Dearden, Dave Chadwick, David Throw, avec deux Français nommés Collot et Insermini. J'ai d'abord été la petite amie de Jacques Collot, puis je me suis mis en ménage avec Insermini.
C'était un homme pas ordinaire, il avait un garage, courait à moto, il avait fait le décathlon, le triathlon, des poids et haltères. Il a d'ailleurs fini sa carrière publique comme catcheur.
Avec la bande, il y avait aussi Pierre Monneret, qui voulait être danseur mondain et qui faisait la manche en récitant des poèmes. J'ai vécu presque sept ans avec Insermini. C'était agité, mais la vie nomade et insouciante des coureurs à moto me plaisait.
J'ai rencontré Jack Findlay en 1961 : il venait de chuter à Clermont-Ferrand et le médecin du circuit cherchait un interprète. C'est un peu comme ça que je suis devenue celui du paddock. Mais je ne me suis pas spécialement intéressée à Jack sur le moment. C'est plus tard que nous nous sommes retrouvés ensemble. Insermini songeait à arrêter sa carrière, j'avais pris goût au Continental Circus. Je ne me voyais pas redevenir sédentaire.
Je suis restée plus de 15 ans avec Jack. Voici un exemple illustrant notre façon de vivre et de penser. La disparition de mes parents a été un moment surréaliste. Mon père est mort au début de la semaine précédant le Grand Prix de France à Clermont-Ferrand. Nous étions dans le paddock, où la police est venue m'avertir de ce décès. Là-dessus, la gendarmerie a reçu un second appel du commissariat de police de Versailles, annonçant la mort de ma mère. Le samedi j'ai enterré mon père, je suis revenue à Clermont le dimanche pour la course, puis le lendemain ont eu lieu les obsèques de ma mère à Versailles.
Le mercredi je suis partie rejoindre Jack au Nürburgring où se déroulait l'épreuve suivante. Question argent, je savais ce que Jack gagnait et dépensait. Tout allait dans la course, l'achat des machines, du camion, l'entretien, le carburant. Heureusement que Jack s'est vite fait une bonne réputation. Il était très bien accueilli dans les petites courses internationales, où il était mieux payé qu'en Grand Prix.
D'ailleurs, il ne recherchait pas systématiquement ces épreuves. Si une course payait mieux le même jour, Jack y allait sans hésiter.
Je posais en Casque d'Or pour un peintre de Montmartre. On allait dans un bistrot tenu par un ancien footballeur borgne. Là, en 1956, entendant parler anglais, j'ai sympathisé avec un groupe. C'étaient des coureurs à moto, une activité dont j'ignorais tout. Il y avait Reg Dearden, Dave Chadwick, David Throw, avec deux Français nommés Collot et Insermini. J'ai d'abord été la petite amie de Jacques Collot, puis je me suis mis en ménage avec Insermini.
C'était un homme pas ordinaire, il avait un garage, courait à moto, il avait fait le décathlon, le triathlon, des poids et haltères. Il a d'ailleurs fini sa carrière publique comme catcheur.
Avec la bande, il y avait aussi Pierre Monneret, qui voulait être danseur mondain et qui faisait la manche en récitant des poèmes. J'ai vécu presque sept ans avec Insermini. C'était agité, mais la vie nomade et insouciante des coureurs à moto me plaisait.
J'ai rencontré Jack Findlay en 1961 : il venait de chuter à Clermont-Ferrand et le médecin du circuit cherchait un interprète. C'est un peu comme ça que je suis devenue celui du paddock. Mais je ne me suis pas spécialement intéressée à Jack sur le moment. C'est plus tard que nous nous sommes retrouvés ensemble. Insermini songeait à arrêter sa carrière, j'avais pris goût au Continental Circus. Je ne me voyais pas redevenir sédentaire.
Je suis restée plus de 15 ans avec Jack. Voici un exemple illustrant notre façon de vivre et de penser. La disparition de mes parents a été un moment surréaliste. Mon père est mort au début de la semaine précédant le Grand Prix de France à Clermont-Ferrand. Nous étions dans le paddock, où la police est venue m'avertir de ce décès. Là-dessus, la gendarmerie a reçu un second appel du commissariat de police de Versailles, annonçant la mort de ma mère. Le samedi j'ai enterré mon père, je suis revenue à Clermont le dimanche pour la course, puis le lendemain ont eu lieu les obsèques de ma mère à Versailles.
Le mercredi je suis partie rejoindre Jack au Nürburgring où se déroulait l'épreuve suivante. Question argent, je savais ce que Jack gagnait et dépensait. Tout allait dans la course, l'achat des machines, du camion, l'entretien, le carburant. Heureusement que Jack s'est vite fait une bonne réputation. Il était très bien accueilli dans les petites courses internationales, où il était mieux payé qu'en Grand Prix.
D'ailleurs, il ne recherchait pas systématiquement ces épreuves. Si une course payait mieux le même jour, Jack y allait sans hésiter.
Les organisateurs traitaient tellement mal les pilotes. Je me suis souvent battue pour obtenir quelque chose après une chute, pour des gars blessés qui n'avaient même pas de quoi repartir.
Ce qui me révoltait, c'est que les plus durs étaient toujours les organisateurs qui faisaient le plus de spectateurs, le plus de pognon. Ceux là, ils étaient intraitables. Les années se suivaient, bonnes ou mauvaises, au grés des chutes ou des casses. A partir du milieu des années 60 Jack a connu une certaine aisance, enfin de quoi préparer correctement la saison suivante. II était aimé et respecté de tous, et puis il y a eu 1968 qui a été une année extraordinaire.
Jack était de loin le meilleur pilote privé au monde ; il l'avait déjà montré les deux saisons précédentes. On avait pu s'installer en Italie dans le nord de Milan, tout près de chez Daniele Fontana avec lequel Jack était très lié. Notre petit appartement était toujours plein, beaucoup d'amis passaient nous voir. Jack avait son atelier où il préparait et construisait ses motos dans l'usine de Fontana. La saison 68 a couronné trois très belles années, puis on a connu l'enfer décrit dans le film Continental Circus.
Lorsqu'est arrivée cette proposition de rouler pour Linto en 1969, l'année à venir devait être bien. Jack accédait enfin à un statut officiel, il n'avait plus à payer et préparer ses motos. Mais tout de suite ce fut l'horreur, les casses et les chutes se sont succédées. La Linto était si souvent en panne que Jack a dû emprunter d'autres motos. Lorsqu'il a chuté à Spa avec la Matchless de Peter Williams, on a touché le fond. La moto était détruite, il a fallu rembourser les dégâts. J'admirais Jack pour sa volonté ; dans ces moments-là, il ne regardait jamais en arrière. En 1970 il est reparti seul. Puis il a construit sa 500 Jada avec Daniele Fontana, a gagné un Grand Prix, et trouvé le soutien de l'usine Suzuki. Je ne l'ai jamais entendu se plaindre. Ces 20 années sur les circuits ont été fortes pour moi, je les ai vécues sans en perdre un instant.
Au début des années 70, notre relation avec Jack s'est dégradée. Le film avait fait de nous un couple mythique, mais au sein du Continental Circus les couples de pilotes étaient mis à rude épreuve. Les coureurs étaient beaucoup sollicités, mais leurs femmes et petites amies aussi !
Moi, j'aimais cette vie libre et vagabonde, j'étais amoureuse des paddocks, de ce truc indéfinissable qu'était le Continental Circus. Je me moquais des propositions, je respectais Jack, mais nous n'avons jamais parlé ensemble de cette passion qui m'animait. Peut-être s'en rendait-il compte, et pourtant on ne peut pas dire que j'étais plus attachée au Continental qu'à lui. C'est paradoxal, car à la sortie du film Continental Circus en 1972 notre couple était mythifié alors que nous commencions à parler de séparation. | Star d'un film culte. Je n'aime pas ce film. Le projet initial, c'était de montrer un vice-champion du monde.
Source : bike70.com / PSA - Citrovidéo / Vince McMurphy
Jack était de loin le meilleur pilote privé au monde ; il l'avait déjà montré les deux saisons précédentes. On avait pu s'installer en Italie dans le nord de Milan, tout près de chez Daniele Fontana avec lequel Jack était très lié. Notre petit appartement était toujours plein, beaucoup d'amis passaient nous voir. Jack avait son atelier où il préparait et construisait ses motos dans l'usine de Fontana. La saison 68 a couronné trois très belles années, puis on a connu l'enfer décrit dans le film Continental Circus.
Lorsqu'est arrivée cette proposition de rouler pour Linto en 1969, l'année à venir devait être bien. Jack accédait enfin à un statut officiel, il n'avait plus à payer et préparer ses motos. Mais tout de suite ce fut l'horreur, les casses et les chutes se sont succédées. La Linto était si souvent en panne que Jack a dû emprunter d'autres motos. Lorsqu'il a chuté à Spa avec la Matchless de Peter Williams, on a touché le fond. La moto était détruite, il a fallu rembourser les dégâts. J'admirais Jack pour sa volonté ; dans ces moments-là, il ne regardait jamais en arrière. En 1970 il est reparti seul. Puis il a construit sa 500 Jada avec Daniele Fontana, a gagné un Grand Prix, et trouvé le soutien de l'usine Suzuki. Je ne l'ai jamais entendu se plaindre. Ces 20 années sur les circuits ont été fortes pour moi, je les ai vécues sans en perdre un instant.
Au début des années 70, notre relation avec Jack s'est dégradée. Le film avait fait de nous un couple mythique, mais au sein du Continental Circus les couples de pilotes étaient mis à rude épreuve. Les coureurs étaient beaucoup sollicités, mais leurs femmes et petites amies aussi !
Moi, j'aimais cette vie libre et vagabonde, j'étais amoureuse des paddocks, de ce truc indéfinissable qu'était le Continental Circus. Je me moquais des propositions, je respectais Jack, mais nous n'avons jamais parlé ensemble de cette passion qui m'animait. Peut-être s'en rendait-il compte, et pourtant on ne peut pas dire que j'étais plus attachée au Continental qu'à lui. C'est paradoxal, car à la sortie du film Continental Circus en 1972 notre couple était mythifié alors que nous commencions à parler de séparation. | Star d'un film culte. Je n'aime pas ce film. Le projet initial, c'était de montrer un vice-champion du monde.
Source : bike70.com / PSA - Citrovidéo / Vince McMurphy