Cet événement qui marque le début d’une prise de conscience environnementale est l’occasion que saisit Toyota, avec un indéniable sens de l’opportunisme, pour dévoiler la Prius. « La voiture de série la plus propre du monde »,certifie la firme nipponne. La Prius (du latin « précéder ») est ce que l’on appelle un hybride. Elle est dotée d’un quatre-cylindres à essence qui fonctionne le plus clair du temps à un régime stable de 4 000 tours-minute. Un autre moteur, électrique celui-là, vient l’épauler lors des accélérations et se recharge lors des décélérations.
Le fonctionnement de l’ensemble est géré par une centrale électronique qui dose l’apport de chaque source d’énergie. Cette technologie est bien connue. Elle a déjà été testée par la plupart des constructeurs mais sans les convaincre d’envisager une application commerciale. Toyota, qui a accumulé d’énormes réserves financières, a décidé que l’écologie serait son cheval de bataille, convaincu que cet enjeu va devenir essentiel.
Elle flatte les amateurs de technologie et les consommateurs écolos de la première heure. Son prix de vente de 15 000 dollars est largement inférieur à son prix de revient – pendant des années Toyota va perdre des sommes considérables sans jamais le reconnaître –, mais elle devient vite tendance. Des figures d’Hollywood, comme Leonardo DiCaprio ou Cameron Diaz, s’affichent à son volant. Voiture de l’année 2005 Saluée au Japon et aux Etats-Unis où ses ventes progressent régulièrement, la Prius connaît un démarrage plus que laborieux en Europe, où les constructeurs ne jurent que par le diesel. Dans les années 2000, on considère qu’il s’agit du carburant le plus économique mais aussi le plus favorable à l’environnement puisqu’il émet moins de CO2. Or, l’hybride, efficace en circulation urbaine ou dense, l’est beaucoup moins sur les longs parcours et s’accommode plus difficilement de la façon dont conduisent les Européens.
Introduite en France en 2000, la Prius convainc à peine plus de soixante-dix acheteurs en un an. Sa technologie coûte cher (2 000 euros de plus qu’un modèle comparable) et la clientèle ne semble guère avoir la fibre écologique. La deuxième génération née en 2003 va faire sauter les verrous. La Prius est élue voiture de l’année 2005, son style est moins ingrat, ses performances revues à la hausse, son fonctionnement plus pointu et, surtout, le contexte a changé.
Le dérèglement climatique n’est plus un thème abstrait mais une menace considérée comme tangible. Nissan et Ford achètent la technologie de Toyota qui élargit sa gamme de modèles hybrides et y convertit Lexus, sa marque premium. Honda s’y met aussi de même que Volkswagen et même Peugeot, qui opte pour un hybride diesel qui sera un échec. Aujourd’hui, après avoir vendu près de 15 millions d’hybrides, Toyota peut estimer avoir eu raison contre tout le monde. Une satisfaction légitime mais qui lui a joué des tours.
Le constructeur a pris des risques en snobant la technologie de l’hybride rechargeable et, persuadé que le passage à l’électrique s’effectuerait plus tard, avec des piles à combustible alimentées à l’hydrogène, il a dû lancer en catastrophe une gamme de véhicules tout-électriques à batterie.
Source : Jean-Michel Normand-lemonde.fr -Caradisiac