lundi 8 juillet 2024

CLUB5A - REPORTAGE - HOMMAGE A ALBERT UDERZO LE PÈRE D’ASTÉRIX ....Albert Uderzo, un ferrariste de la première heure !!

Le dessinateur vouait une véritable passion pour la marque italienne dont il possédait quelques-uns de ses modèles les plus mythiques. Ceux qui ont eu l’habitude de manger au ristorante Montana, la cantine préférée de Michael Schumacher et de Jean Todt située au bout de la ligne droite du circuit de Fiorano à Maranello, savent qu’Albert Uderzo, décédé dans la nuit de lundi à mardi, vouait un véritable culte à la marque italienne à l’emblème du cheval cabré. De nombreux dessins de l’artiste français mettant en scène Astérix avec des Ferrari décorent les murs du restaurant italien tenu par la famille Paolucci. Albert Uderzo était un amateur de la première heure de Ferrari. Le hasard fait bien les choses: c’est en 1947, l’année de l’obtention de son permis de conduire qu’Enzo Ferrari crée l’entreprise de construction de voitures portant son nom. 
Alors âgé de 20 ans, l’apprenti dessinateur se passionne pour ces machines rouges propulsées par un 12 cylindres. Elles sont modernes, puissantes, belles. Elles ne tardent pas à accumuler les succès sportifs. La première victoire de Ferrari aux 24 Heures du Mans intervient en 1949. Pour l’heure, les Ferrari sont un rêve inaccessible pour le jeune Uderzo qui raconte dans une interview accordée à Ferrari Club, la revue officielle du club Ferrari France animée par Jean-Louis Maitron, «dessiner de 5 heures du matin à minuit dans le studio d’Eaubonne dans le Val-d’Oise que nous habitions avec mon épouse.» À la fin des années 1960, le succès d’Astérix lui offre un nouveau confort. Il roule dans une Alfa Romeo 2600 mais rêve toujours de Ferrari. 
«Un jour de 1970, je m’arrête dans la concession Ferrari du boulevard Gouvion Saint-Cyr à Paris, bien décidé à remplacer mon Alfa par la Ferrari 250 GT exposée dans la vitrine. Le commercial, qui m’accueille, me dissuade rapidement de faire l’opération. Monsieur, me dit-il, vous avez une voiture neuve. Ne l’échangez pas contre cette Ferrari d’occasion qui n’est pas très fiable. Ce monsieur, c’était Charles Pozzi. J’avais beaucoup apprécié sa franchise. Il m’avait empêché de se débarrasser de sa bête à chagrin», raconte alors Albert Uderzo à Jean-Louis Maitron. Il franchit finalement le pas en 1975. Sa première Ferrari est une 365 GT4 Berlinetta Boxer d’occasion. À l’époque, cette GT à moteur arrière représente le summum de Ferrari. 
Quelques mois plus tard, en venant chercher sa berlinette à la concession Ferrari de Levallois-Perret, le chef d’atelier le convainc de participer à des sorties du club Ferrari. «Quelques week-ends plus tard, je me retrouve à une sortie du club sur circuit. Je découvre un monde que je ne soupçonnais pas. Ca parle boulons rondelles, numéros de châssis. Jess Pourret venait pas la route au volant de sa 250 GTO.» Le club Ferrari devient petit à petit sa seconde famille. Bientôt, il ne rate plus une seule sortie. 
Il prend des cours de pilotage à l’école Winfield sur le circuit Paul Ricard. «Je pensais savoir conduire. En fait, j’avais beaucoup à apprendre. Au début, certains au club Ferrari m’avaient surnommé la danseuse parce que je faisais beaucoup de tête-à-queue.» À force de tourner sur les circuits, le démon de la course lui prend. À force de persuasion, il réussit à acquérir la 365 P2 du Toulousain Jean-Claude Bajol. Ce prototype a défendu les couleurs de l’usine Ferrari dans le championnat du monde d’endurance en 1965. Ce n’est pas rien. Il ramène la P2 de Toulouse sur une remorque le 5 novembre 1977. 
 En arrivant chez lui, il apprend que René Goscinny vient de décéder en faisant un test d’effort chez son cardiologue. Le choc est terrible. Un monde s’effondre. «La disparition de René a laissé un trou béant dans ma vie», dira-t-il. Albert Uderzo n’a plus le goût à rien. «Le club Ferrari a été une formidable thérapie. C’est auprès de mes copains du club Ferrari que j’ai retrouvé l’envie de poursuivre l’œuvre de René», disait-il. Quelques semaines avant sa disparition, René Goscinny avait accompagné son ami dessinateur à une sortie du club Ferrari, sur le circuit Paul Ricard, bien qu’il ne partage guère sa passion. À l’issue d’un baptême de piste mené tambour battant, René lui avait déclaré: «Si tu veux en finir avec la vie, fais le proprement. Prends un revolver.» Quant à la P2 (châssis 0828), c’était un objet de malheur. Des essais sur la piste d’Imola, en Italie, se termineront par un accident. Albert Uderzo en sera quitte pour une belle frayeur; le prototype sera réduit à l’état de cendres. L’épave sera rachetée par le pilote-collectionneur Fabrizio Violati qui la fera reconstruire chez Diena en Italie. 
Loin de s’affaiblir, la passion d’Albert Uderzo pour Ferrari prend une nouvelle tournure. Il devient président du club Ferrari France mais jette l’éponge au bout d’un an. Trop chronophage. Son écurie compte bientôt une 512 BB engagée par Ferrari-Pozzi aux 24 Heures du Mans 1978 sous les couleurs Thomson, un prototype 512 S et bien sûr les dernières GT de la marque. Devenu un client privilégié de Ferrari et un ami de Daniel Marin, l’importateur de la marque en France, Albert Uderzo est prioritaire lorsqu’un nouveau modèle est lancé. 
Sa collection exposée dans sa propriété des Yvelines compte toute la série des supercars Ferrari: 288 GTO, F40, F50, Enzo. Sa dernière folie: une F40 LM. Un monstre de puissance qui lui vaudra une sortie de route sur la piste du Vigeant. «Une voiture trop vive», admettra-t-il. À l’aube de ses 80 ans, l’homme d’Astérix avait raccroché gants et combinaison. La raison l’avait emporté même s’il s’estimait encore capable d’affoler un chronomètre. Uderzo était devenu un très bon pilote.
Source : lefigaro.fr -Europe 1-