mercredi 3 juillet 2024

CLUB5A - REPORTAGE AUTO - Jantes, toit ouvrant, crochet d’attelage... quand les options alourdissent le malus écologique

Désormais tous les équipements influant sur le poids et le coefficient de pénétration dans l’air de la voiture sont pris en compte. Depuis le 1er mars, une petite révolution est à l’œuvre dans l’automobile. Le calcul du malus écologique se fonde dorénavant sur une mesure des rejets de CO2 au kilomètre proche de la réalité. 
Surtout, cette procédure beaucoup plus sophistiquée individualise les émissions d’une voiture en prenant en compte tous les équipements susceptibles de l’alourdir ou de modifier son aérodynamique. Avant cette nouvelle norme, dite Wltp, le calcul du malus dépendait du modèle et de sa motorisation. Désormais, la version de base sert de référence et tout ce qui pourra influer sur la masse et le coefficient de pénétration dans l’air est pris en compte. 
En pratique, cela signifie qu’il faut y regarder à deux fois et remplir son bon de commande après s’être longuement immergé dans l’univers des configurateurs pas toujours d’une parfaite fluidité mis en place par les marques. L’acheteur d’une voiture électrique qui, par définition, ne dégage pas directement de CO2, ou d’une hybride (une version rechargeable émet souvent moins de 50 g/km), aura moins à redouter les foudres du malus. Installer un crochet d’attelage rétractable ou un siège conducteur électrique à bord d’une Volkswagen Golf se traduira par l’attribution de 1 gramme de CO2 supplémentaire au kilomètre. 

Chez Ford, agrémenter la nouvelle Puma de pneus hiver coûte 1 gramme de CO2. Le tarif est de 2 grammes pour des pneus toutes saisons qui offrent davantage de résistance au roulement. Les barres de toit ou les hayons à ouverture électrique sont aussi dans le collimateur. La présence d’une roue de secours (30 kg) peut également dégrader le bilan carbone de même que le style de certaines jantes. Moins aérodynamiques, celles qui sont très ajourées sont pénalisées. 
L’un des effets collatéraux de cette stricte comptabilité pourrait bien être de modérer l’engouement des consommateurs pour les transmissions automatiques, plus gourmandes en carburant que les boîtes manuelles en raison de leur mode de fonctionnement et leur poids. Une Ford Fiesta équipée d’une boîte à convertisseur de couple impose un grammage en CO2 en hausse de 36 grammes alors qu’une Renault Mégane, dotée d’une transmission à double embrayage plus moderne, subira un supplément de 6 à 10 grammes, ce qui n’est pas rien. Chez Dacia, inutile de chercher une boîte automatique sur la gamme Duster, déjà aux prises avec des niveaux de CO2 qui se rapprochent dangereusement du seuil fatidique. 
La note se corse tout particulièrement pour les modèles premium dont la clientèle était habituée à ne pas lésiner sur les options. Une BMW 318i (essence, 144 g/km) ne dégradera son bilan CO2 que de 1 petit gramme en s’équipant de jantes de 18 pouces mais de 5 grammes si son acquéreur choisit des pneumatiques « Runflat » avec lesquels on peut rouler à faible vitesse malgré une crevaison. L’ajout d’un simple toit ouvrant ne modifie rien mais un toit panoramique en verre, en revanche, générera 1 gramme supplémentaire. Au final, la note sera d’autant plus corsée que le malus, qui se déclenche à partir de 138 g/km et débute à 50 euros, ne progresse pas de manière linéaire. 
La note s’alourdit de 25 euros par gramme de CO2 supplémentaire jusqu’à 151 g mais ensuite tout s’accélère : 30 euros de plus pour passer de 151 à 152 g (de 330 à 360 euros), 40 euros de 152 à 153 g et ainsi de suite. A 155 g, le barème inflige une pénalité de 540 euros. Une ristourne de 20 g/km par enfant à charge Cette logique a été intégrée par les constructeurs dans la définition de certaines gammes. Ainsi, la dernière génération de la Clio a été développée sans toit ouvrant. « Les consommateurs ont compris que le choix de la motorisation mais aussi le genre de carrosserie déterminent les émissions d’une voiture. 
Maintenant, il va falloir bien leur expliquer que le type de jante ou la présence de barres de toit exerce aussi un réel impact sur le barème », souligne Pierre Truss, qui supervise ces questions au sein du groupe Renault. Ce nœud coulant fiscal participe d’une banalisation du malus. La réforme de ce dispositif qui peut infliger une pénalité allant jusqu’à 20 000 euros et concernait 35 % des voitures neuves en février, fait plus de perdants que de gagnants. Au 1er mars, une Citroën C5 Aircross essence en version 180 ch est taxée d’une pénalité de 650 à 2 049 euros alors qu’une Peugeot 508 diesel de même puissance passe de 360 à 330 euros. 
Une différence de traitement qu’il ne faut pas généraliser mais qui met en relief la légère schizophrénie d’une réglementation trop exclusivement basée sur les émissions de CO2, terrain favorable au diesel, alors qu’elle affiche la volonté de faire reculer la diffusion de ce carburant. Lire aussi Low cost, mais malus écologique En revanche, l’acheteur d’une voiture électrique qui, par définition, ne dégage pas directement de CO2, ou d’une hybride (une version rechargeable émet souvent moins de 50 g/km), aura moins à redouter les foudres du malus au moment de choisir un toit panoramique ou des pneus larges. Par ailleurs, un mécanisme destiné aux familles nombreuses (trois enfants et plus) donne droit à une ristourne de 20 g/km par enfant à charge, à condition qu’il s’agisse d’un véhicule immatriculé pour la première fois.
 « Les acheteurs redoutent les effets de seuil mais les constructeurs, eux, composent leur addition au gramme près car la moindre once de CO2 est comptabilisée dans le calcul de l’objectif assigné depuis cette année par les autorités européennes », insiste un porte-parole de Ford. D’où l’apparition d’un dilemme. Vendre des équipements en option, c’est arrondir ses revenus mais c’est aussi s’exposer davantage aux sévères amendes. 
Pour l’ensemble de la gamme Renault, un dépassement d’un gramme de CO2 au kilomètre par rapport à la moyenne imposée se traduirait par une pénalité de 150 millions d’euros. Dans ces conditions, la priorité des mois qui viennent ne fait de doute pour personne. « L’objectif, c’est qu’un maximum de clients passent à l’hybride ou à l’électrique », résume Pierre Truss.
Source : lemonde.fr/Automoto

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