Ces voitures dont le prix de base débute autour de 120 000 euros sont aussi soumises au « supermalus » écologique de 10 500 euros et, dans leur très grande majorité, au taux maximum de la taxe sur les véhicules de société, également alourdie l’année prochaine.
« Même si les acheteurs ont les moyens de s’en affranchir, cette super-taxe constitue un frein supplémentaire à l’achat. Y compris au plan psychologique », assure Matthieu Berne, directeur du marketing de Maserati – qui lance actuellement la nouvelle Ghibli – pour l’Europe de l’Ouest. Selon lui, « des clients renoncent désormais par principe à acquérir une voiture dont près de la moitié du prix sera encaissé par l’Etat. Beaucoup hésitaient déjà à se rendre avec un tel véhicule chez leurs clients ou à le garer sur le parking de leur société ».
En Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, la fiscalité des voitures de riches est moins lourde. Hors de nos frontières, assurent tous les constructeurs huppés, berlines ou coupés de grand luxe font l’objet d’une acceptabilité sociale nettement supérieure.
« Le cas de la France est spécifique, confirme Flavien Neuvy, qui dirige l’Observatoire Cetelem de l’automobile. La dimension symbolique de tels modèles y est particulièrement marquée – d’autant que la voiture, de plus en plus stigmatisée, constitue une cible facile – et reflète sans doute notre rapport, compliqué, à l’argent. »
Ce désamour ne date pas d’hier. Longtemps réputée pour ses modèles prestigieux exportés dans le monde entier, l’automobile française a délibérément renoncé à ses prétentions dans le haut de gamme après la seconde guerre mondiale.
A la Libération, le plan Pons (1945), destiné à répartir les moyens disponibles entre les différents constructeurs, fait la part belle à la démocratique Renault 4CV ou, pour les classes moyennes, à l’élégante Peugeot 203, mais se désintéresse de Bugatti, Delahaye ou Delage.
Dans les années qui suivent, ces marques vont disparaître sans susciter beaucoup d’émoi. Ultime tentative de retour dans le giron du luxe, le sort de Facel Vega (1954-1964) n’attendrira pas davantage les pouvoirs publics.
La vignette automobile de 1956 et l’alourdissement progressif des taxes sur les grosses motorisations vont entretenir le statut de vache à lait de l’automobile en général et de la voiture de haut de gamme en particulier, cible toute désignée de la vindicte fiscale. Les modèles de grand luxe sont anglais, américains, italiens ou allemands et ne recouvrent aucun enjeu industriel. Fierté nationale, la Citroën DS (1955) est une œuvre d’art et une merveille technologique ; pas une voiture destinée à l’élite.
« La France n’aime vraiment l’automobile qu’à partir des années 1950-1960, lorsqu’elle devient populaire, souligne l’historien Jean-Louis Loubet, auteur d’Une autre histoire de l’automobile. Regardez le cahier des charges d’une haut de gamme comme la Renault 30, lancée en 1975.
Il est sans ambiguïté : on vise d’abord l’exportation. » Au fil des années, s’est construit une culture de la défiance sociale à l’égard de la voiture de luxe dont les ventes sont, aujourd’hui encore, proportionnellement bien inférieures en France que dans les autres pays à pouvoir d’achat comparable.
L’une des expressions les plus manifestes de cette suspicion réside sans doute dans la peur panique des hommes politiques français d’être vus à bord d’un tel véhicule. On se souvient du scandale provoqué par Dominique Strauss-Kahn, alors candidat à l’Elysée, descendant d’une Porsche Panamera...........
En même temps que leur aristocratie automobile, les Allemands célèbrent la technologie, les Italiens le design et les Anglais leurs marques prestigieuses. Les Français conçoivent des voitures populaires (la 2 CV de Citroën) et intelligentes (l’Espace de Renault) mais, pour eux, le luxe est depuis longtemps terra incognita.
Un héritage dont se lamentent off the record les dirigeants de Renault comme de Peugeot-Citroën qui, faute de références et d’un solide marché intérieur, ont abandonné le terrain de l’automobile « premium » à leurs voisins mais aussi aux marques japonaises, suédoises et bientôt coréennes. Cette histoire d’un désamour pour les belles voitures a quelque chose de paradoxal dans un pays particulièrement réputé pour ses produits de luxe. « L’automobile cristallise quelque chose qui l’empêche de faire bon ménage avec la passion égalitaire française », estime Christophe Rioux, spécialiste du luxe à l’ISC-Paris et enseignant à Sciences Po. « Ce n’est pas le cas de l’immobilier, que la dimension patrimoniale rend plus acceptable, ni de l’horlogerie ou d’autres secteurs du luxe où la rhétorique de l’artisan développée par les marques désamorce la charge ostentatoire de l’objet », fait-il remarquer. En France, on blâme la consommation ostentatoire, mais de manière sélective.
Source lemonde.fr/Par Jean-Michel Normand--
En même temps que leur aristocratie automobile, les Allemands célèbrent la technologie, les Italiens le design et les Anglais leurs marques prestigieuses. Les Français conçoivent des voitures populaires (la 2 CV de Citroën) et intelligentes (l’Espace de Renault) mais, pour eux, le luxe est depuis longtemps terra incognita.
Un héritage dont se lamentent off the record les dirigeants de Renault comme de Peugeot-Citroën qui, faute de références et d’un solide marché intérieur, ont abandonné le terrain de l’automobile « premium » à leurs voisins mais aussi aux marques japonaises, suédoises et bientôt coréennes. Cette histoire d’un désamour pour les belles voitures a quelque chose de paradoxal dans un pays particulièrement réputé pour ses produits de luxe. « L’automobile cristallise quelque chose qui l’empêche de faire bon ménage avec la passion égalitaire française », estime Christophe Rioux, spécialiste du luxe à l’ISC-Paris et enseignant à Sciences Po. « Ce n’est pas le cas de l’immobilier, que la dimension patrimoniale rend plus acceptable, ni de l’horlogerie ou d’autres secteurs du luxe où la rhétorique de l’artisan développée par les marques désamorce la charge ostentatoire de l’objet », fait-il remarquer. En France, on blâme la consommation ostentatoire, mais de manière sélective.
Source lemonde.fr/Par Jean-Michel Normand--
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