Ces petites fourgonnettes à l’ancienne étaient fonctionnelles et fières de l’être. Une vraie spécialité française. Voiture sérieuse, destinée à une large diffusion, la Juvaquatre apparaît à un fort mauvais moment. Naître au salon de l’auto 1937 n’est pas le meilleur moyen d’entamer une longue et brillante carrière commerciale. Pourtant, elle survit au conflit mondial. Au lendemain de la Libération, la nouvelle Régie Renault est même bien contente de remettre en production la brave « Juva » restée dans son jus, dépassée techniquement et esthétiquement obsolète mais dure à cuire. Un brin austère, ce break surélevé – un crossover, pardi ! – et dont la seule fantaisie est la trappe aménagée devant les portières afin de ventiler les pieds du conducteur et du passager avant, se distingue en version fourgonnette.
Un témoignage de reconnaissance tardif avant que Billancourt ne lui octroie, en 1960, une retraite bien méritée. La 2CV a quelque chose d’intrinsèquement utilitaire mais les artisans et les commerçants de la France en reconstruction réclament un véhicule plus volumineux. Il leur faut attendre jusqu’en 1951 et l’arrivée de la 2CV fourgonnette. La première version reprend l’anémique 375 cm3 de la « Deuche » originelle et, pour tout signal lumineux arrière, l’éclairage de sa plaque d’immatriculation. En 1954, l’adoption du bicylindre de 425 cm3 lui permet tout de même d’embarquer jusqu’à 250 kg de charge utile.
Outre les petits entrepreneurs, ce sont les services publics comme La Poste ou EDF qui vont faire le succès de cette auto à tout faire (dont le caisson en tôle ondulée rappelle son grand frère TypeH alias le « Tube Citroën ») capable de s’aventurer jusqu’au plus profond des campagnes. Une ultime version allongée pourra embarquer un chargement de 400 kg. La 2CV fourgonnette restera pour toujours un attendrissant bourricot mécanique, gris et pansu, dodelinant sur les chemins mal carrossés.
Ne lui manquait que la croix de Saint-André sur le capot. Le duel des populaires 2CV et 4L se prolonge sur le terrain des véhicules utilitaires. Et elles ne se font pas de cadeau. En 1963, Renault défie Citroën avec une fourgonnette dont les atouts (sa mécanique, sa ligne et des suspensions plus modernes) donnent un coup de vieux à sa rivale.
Certains modèles s’enrichissent d’une trappe située au-dessus de la portière arrière, joliment baptisée girafon, fort pratique pour transporter une échelle ou tout autre accessoire trop long pour loger dans le véhicule. La fourgonnette 4L (ou Renault 4, c’est comme on veut) oblige la vieillissante Citroën à partager le marché des entreprises publiques. Simple à réparer, pas trop chère à restaurer, la 4L vit depuis dix-huit ans une seconde jeunesse grâce au 4L Trophy, une course de régularité à vocation humanitaire. Une sorte d’anti-Dakar, réservé aux étudiants. Cette année, 1 159 équipages ont traversé une partie de l’Afrique en Renault 4, dont une bonne partie à bord de fourgonnettes au kilométrage inavouable.
Source : lemonde.fr / Par Jean-Michel Normand / Márton G /




