– Les Rétrocampeurs
Il passe toutes ses soirées à éplucher les annonces du Bon Coin et les week-ends hivernaux à écumer les vide-greniers. Même en retard, il ne peut pas passer devant une brocante sans s’arrêter. La découverte d’un morceaux de tissus à fleurs des années 1960 le met en transe, un pot à eau estampillé « 51 » ou un tire-bouchon Kiravi lui provoquent une érection et la simple vision d’un service complet des tasses Mobil un orgasme (surtout si il y a le pichet avec) !
Lui, c’est le rétrocampeur, qui collecte soigneusement toute l’année du matériel à exposer devant sa caravane lors du prochain rassemblement : sièges en toile qui craque quand on s’assoit, table en formica craquelé comme le Sahel, vaisselle plastique au bisphénol qui rendrait barbu un nouveau-né, barbecue pliant aussi cancérigène qu’un grenier isolé à l’amiante, réchaud à gaz dont les tuyaux portent la mention « à remplacer avant 1962 », bouteille thermos en liège inflammable, cendrier Dubonnet, guirlande de vieux fanions décolorés et surtout la collection complète de décalcomanies touristiques des coins les plus perdus de France…
Lui-même n’est pas en reste avec sa tenue :
Marcel ou chemisette aux aisselles blanchies par la transpiration, short de boy-scout qui laisse apparaître quand il s’assoit un vieux slip Éminence (et parfois autre chose), sandalettes en cuir type moine avec chaussette ou en plastique translucide au bord de la mer et, bien sûr, le célèbre bob Ricard, si difficile à trouver en bon état !
Dès qu’il peut, il atèle une vieille caravane à sa Peugeot 403 avachie par les kilomètres ou à la Renault 12 léguée par son grand-père (le cendrier en encore plein des mégots de Gitanes maïs) dont le pare-choc arrière culmine à 5 cm de la route à force d’être en surcharge (dans une Renault 12, la surcharge commence avec 10 kilos dans le coffre).
Il part alors retrouver ses congénères pour un week-end de bonheur, écumant les vieux campings municipaux aux sanitaires douteux car tout est resté comme à l’époque. Les retrouvailles entre rétrocampeurs sont toujours une fête, c’est enfin l’occasion de partager ses trésors et surtout de boire l’apéro, ou plutôt des apéros car le côté sédentaire du camping leur permet d’abuser un peu des alcools plus ou moins forts sans risque d’accident (juste une cheville tordue en ramassant son rouleau de PQ sur la margelle des sanirtaires) ou de contrôle.
Bref, ils font ça tellement bien (je parle du côté vintage, hein, pas seulement de l’apéro) qu’il est difficile de savoir s’ils jouent vraiment un rôle… En fait, j’ai l’impression qu’ils vivent comme ça toute l’année !..
Source : Thierry DUBOIS