mardi 15 avril 2025

CLUB5A - VOITURE DE LÉGENDE - LA CHRYSLER AIRFLOW ...TOUT EN COURBES !!

L’histoire de l’automobile s’est écrite avec celle des crises des XXe et XXIe siècles. Aux Etats-Unis, après la grande récession de 1929, Chrysler fait le pari de la rupture esthétique. L’Airflow, toute en courbes, innove aussi sur la sécurité et le confort. Une pionnière qui restera incomprise. La Chrysler Airflow – ici, un modèle de 1934 – et ses formes courbes et fluides. Après la crise de 1929, les constructeurs américains sont confrontés à une récession qui fait passer la production de 2,5 millions de véhicules en 1930 à 1,5 million deux ans plus tard. 
Ils prennent alors conscience des limites d’une stratégie strictement défensive, consistant à réduire la taille et la puissance de leurs modèles. Et décident, pour certains, de renouveler radicalement leur approche. La Chrysler Airflow, apparue en 1934 au salon de New-York, est sans doute l’expression la plus manifeste de ce changement d’orientation. La rupture la plus évidente est esthétique. Alors que les voitures ressemblaient à des caisses carrées et interchangeables, l’Airflow fait table rase. 
Point de calandre verticale ni de long capot horizontal, mais une succession de courbes, avec une vaste grille de radiateur « en cascade » et des phares intégrés dans la carrosserie. Ces choix, affinés lors de tests en soufflerie – ce qui est alors fort rare –, font sensation. Chrysler n’avait pas tout inventé. La marque avait humé l’air du temps et saisi l’importance du courant Streamline, approche privilégiant les formes fluides et profilées dans le but d’optimiser la performance aérodynamique. 
La proue de la Chrysler ressemble furieusement à celle des nouvelles locomotives des années 1930, et sa silhouette, inspirée de l’aéronautique, évoque le profil d’un DC-3. A la clé, une consommation d’énergie réduite et, généralement, moins de pièces à assembler lors de la fabrication. Trop loin, trop tôt… L’Airflow innove également en adoptant le principe de la carrosserie autoporteuse qui offre une plus grande latitude en matière de design et renforce la rigidité de la voiture, donc la sécurité à bord. 
Elle est l’une des premières voitures à mettre en avant la protection de ses passagers. Chrysler installe aussi la mécanique en partie devant les roues et la banquette, juste devant l’essieu arrière, afin de libérer de l’espace tout en améliorant le confort. Le centre de gravité est abaissé et la répartition des masses mieux équilibrée. Accueillie avec un réel enthousiasme, la Chrysler Airflow fait un temps illusion, mais les ventes sont décevantes. Poussés par Walter Chrysler (l’ancien de patron de Buick avait créé sa propre marque en 1924) qui misait sur des choix en rupture, ses concepteurs sont allés trop loin, trop tôt.
 Ce modèle en avance sur son temps n’est pas une voiture de designer, mais d’ingénieur, et son approche hyperfonctionnelle s’inscrit en partie à rebours de l’état d’esprit du consommateur. Alors que les conséquences de la crise sont encore palpables, déstabiliser le public s’avère contre-productif. Apparue en 1936, la Lincoln Zephyr inspirée elle-aussi du mouvement Streamline mais basée sur une ingénierie classique, raflera la mise. 
En France, la Peugeot 402 de 1935, reconnaissable à ses phares regroupés derrière la grille de calandre, adoptera le même style baptisé « Fuseau Sochaux » et remportera un certain succès. La crise de 1929 enterre définitivement la Ford T en poussant l’automobile à s’émanciper d’une vocation purement utilitaire. Pionnière incomprise, la Chrysler Airflow a néanmoins fait école en popularisant la recherche de la performance aérodynamique et, aussi, la quête d’une différenciation esthétique plus poussée entre les marques et les modèles. Grâce à elle, les rondeurs vont s’imposer. 
Jusqu’à ce que la croissance effrénée des « trente glorieuses » ne consacre le triomphe des angles vifs et des ailerons pointus des modèles des années 1950 à 1970. 
 

Source : Jean-Michel Normand-Les crises dans le rétro