Mais cela n’a rien d’une routine. Quand l’équipe d’Aston Martin découvre le scénario du long-métrage, sur lequel elle n’a aucune prise, elle y retrouve entre autres l’emblématique DB5 Superleggera de 1963. Problème: les cascades prévues ne sont pas envisageables par le véhicule couleur «bouleau argenté» qui fit sa première apparition dans Goldfinger (1964) piloté par Sean Connery. La voiture dans sa version d’origine est un brin inadaptée à l’esprit Fast and Furious du script. «Nous n’avons pas eu le choix. En six mois, nous avons conçu et produit huit DB5 Stunt pour les besoins du tournage», reprend David King. Nous découvrons ce modèle rare en Grande-Bretagne, sur le circuit de Silverstone.
On se cale dans un siège baquet en carbone et on boucle le harnais de sécurité 5 points. Moteur. Il n’y a plus qu’à se lancer, se laisser porter par le ronflement aigu du 6-cylindres ; piler encore plus fort avant de (tenter de) négocier virages et chicanes. Ne pas accélérer comme une brute au sortir des courbes, car l’arrière de la voiture semble avoir gagné son indépendance, au point de faire la toupie avec une facilité déconcertante, surtout sur une piste détrempée comme ce matin de février. Comme on déguste les vins d’un même château en commençant par le plus âgé ou le plus jeune pour remonter le fil du temps - ce que les œnologues appellent une verticale -, il est tentant de conduire successivement les différents véhicules du nouvel opus, qui représentent presque soixante ans d’histoire de la mécanique britannique. «Vivante, totalement sexy» La Valhalla, le prochain supercar présenté ce jour au garage, n’est pas disponible à l’essai.
Nous ne testerons pas sa vitesse annoncée: 354 km/h. James Bond non plus puisqu’elle apparaît de façon statique dans le film. «Nous devons avoir un nouveau modèle dans chaque film», justifie David King. L’Aston Martin V8 Vantage, star mécanique de «Tuer n’est pas jouer», en 1987, avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Aston Martin Après le café chaud - il fait un froid de gueux sur le circuit venté et humide de Silverstone - nous embarquons à bord de la DBS Superleggera, un modèle sorti l’an passé.
Tellement confortable qu’on s’y endormirait, bercé par les effluves de cuir, enveloppé dans des sièges qui semblent avoir été conçus juste pour nous, le pied caressant à peine la pédale d’accélérateur, l’aiguille du compteur digital calée à 250 km/h, la vitesse de croisière de cette ogive routière. On passe les rapports en effleurant les palettes situées de chaque côté du volant. Trop dur encore? Alors il suffit d’appuyer sur le bouton D et l’auto passe en mode automatique. La DBS, c’est la sportivité en version superluxe et l’impression que le véhicule pourrait s’incliner à 90 degrés pour aller draguer les nuages. Réveillons-nous et abandonnons le confort douillet contemporain pour nous installer à bord de la superbe Aston Martin V8 Vantage, déjà conduite par Timothy Dalton dans Tuer n’est pas jouer (1987).
Oublié le digital et place au cuir noir et à la ronce de noyer à profusion. C’était donc cela les années 1980… Ce V8 porte en lui l’esprit de son époque. Mais la retenue des designers anglais a permis d’éviter les excès. Il en reste une sublime auto, imposante mais racée, un peu lourde à manier mais néanmoins sportive dont la couleur, un marron glacé unique qui flirte avec le mauvais goût, finit par séduire. Calé au volant du sublime engin au capot sans fin, on se laisse porter par la surpuissance du moteur. À l’intérieur de la DB5 Stunt, le conducteur se cale dans un siège baquet en carbone. Max Earey Plus de vingt ans séparent le modèle V8 Vantage de la bonne vieille DB5. Osons ce dernier bond dans le passé.
Verdict dès le premier tour de circuit: Pas si facile de piloter une GT du début des années 1960. «C’est une voiture vivante, totalement sexy», s’amuse Mark Higgins. Chaque pièce semble avoir sa propre vie, vibrant avec bruit et entrain, indépendamment des autres, à l’image des clés de contact qui cliquettent bruyamment sur le tableau de bord. Et puis, si le moteur tourne comme une horloge et vous emmène où vous voulez aller - un peu plus vite que prévu -, la manœuvre qui consiste à tourner le fin volant demande un sérieux effort - il faut des bras - et une pression considérable sur le frein - il faut aussi des jambes. Autant de gestes et d’efforts complètement oubliés par l’automobiliste contemporain. Malgré cela et les effluves d’essence qui parfument l’habitacle, la DB5 originale se montre confortable.
On envisage la route entre les deux rétroviseurs posés sur les ailes et le monde peut bien arrêter de tourner. En version originale ou Stunt, la DB5 est un bolide au charme fou. À chaque passage devant les stands, on se dit qu’on a déjà beaucoup roulé. Mais la tentation de repartir pour un dernier tour est trop forte. La dépendance à ce type de machine est ultrarapide. Entre Aston Martin et l’agent 007, l’histoire d’amour dure, doublée d’un bel échange commercial. Jamais la firme ne lésine sur les moyens pour montrer le meilleur d’elle-même sur grand écran. Sur le dernier tournage, quatre ingénieurs et douze techniciens furent mobilisés pendant plusieurs mois. Ces opérations très spéciales semblent satisfaire la famille Broccoli, qui produit la série, comme les constructeurs: «Nous avons noté des hausses des ventes de DBS (deuxième génération, NDLR) après la sortie de Casino Royal et Quantum of Solace. En règle générale, la valeur de ces opérations est incroyable d’un point de vue marketing.» James Bond est aussi un excellent vendeur.
Source : lefigaro.fr - James Bond 007