Ce modèle de course de la marque alsacienne peut se vanter de posséder un pedigree en or. Dixième automobile d'une vente qui en compte 138, cette Bugatti a émigré depuis 79 ans en Australie. Avant de s'envoler pour l'hémisphère Sud, le torpédo bleu portant le numéro de châssis #57222 a commencé sa carrière sportive en Europe. Selon Pierre-Yves Laugier, l'expert de la marque française, la 57 Sport est l'une des deux voitures de course 24 Heures produites par l'usine en 1935. Le châssis #57222, moteur n°224, commence sa carrière sportive le 7 septembre 1935 à l'Ulster, sur le circuit d'Ards.
Après réparation, elle regagna le showroom Bugatti de l'avenue Montagne. Ce n'est que le 8 avril de l'année suivante qu'elle trouve acquéreur. Le nouveau propriétaire n'est autre que le gentleman driver Pierre Eugène Alfred Bouillin. Fils d'un antiquaire, directeur d'une usine de brosses dans l'Oise, Pierre Bouillin court sous le pseudonyme «Levegh», résultat de l'anagramme du nom de son oncle Alfred Velghe, l'un des premiers pilotes de course. Pierre Levegh effectue plusieurs versements pour devenir propriétaire de la 57 Sport au volant de laquelle il participe à de nombreuses compétitions. Dans l'édition du 15 mars 1938 du quotidien l'Auto, les lecteurs peuvent lire l'annonce suivante: «Type 57 exceptionnelle, atteignant les 190 km/h. Écrire au propriétaire au 54 Avenue de Choisy.» Quelques semaines plus tard, la 57 Sport se retrouve à vendre à Londres. C'est alors qu'elle est acquise par Duncan Ord, un enthousiaste australien. Elle n'allait plus quitter le sol australien jusqu'à aujourd'hui. Passée entre plusieurs mains, elle rejoint le garage de son propriétaire actuel en 1958.
Pour l'anecdote, il offrit 400 £, payables en plusieurs fois, pour acquérir le torpédo de course qui avait subi quelques modifications au niveau de l'empattement et qui avait perdu sa carrosserie d'origine. En 1973, l'enthousiaste propriétaire s'attaqua à la restauration de sa Bugatti qui devait la ramener à sa configuration de 1935. La maison Bonhams estime cette pièce importante de l'histoire de la marque alsacienne entre 780.000 et 1.300.000 euros. Quant à Pierre Levegh, on sait ce qu'il advint. Passionné par la course du Mans qui rêvait de remporter, il multiplia les tentatives. En 1952, Pierre Levegh manqua de peu son objectif. Alors qu'il contrôlait la course, il effectua un surrégime fatal dû sans doute à la fatigue cumulée après 23 heures de conduite en solo au volant de sa Talbot. Mercedes s'était souvenu de l'exploit et pour l'édition 1955, d'associer Pierre Levegh à John Fitch sur l'une des 300 SLR engagées par l'usine. Levegh pénétrait dans la cour des grands. Il n'est pas certain que son expérience était suffisante pour piloter la machine allemande et pour tenir le rythme de calibres comme Juan-Manuel Fangio ou Stirling Moss qui faisaient aussi partie de l'armada Mercedes. La suite est tristement connue.
Quelques heures après le départ, au moment des premiers ravitaillements et changement de pilotes, Levegh accroche l'arrière de l'Austin-Healey de Macklin qui a fait un écart sur la gauche, dans la ligne droite des stands, pour éviter la Jaguar D de Hawthorn qui vient de rentrer aux stands précipitamment. La Mercedes de Levegh décolle et transformée en projectile termine sa course dans les gradins bondés de spectateurs. Le bilan s'avère dramatique: plus de 80 morts et plusieurs dizaines de blessés.
Source : lefigaro.fr - Sylvain Reisser / Merci DAVID SARDA pour le suivi de l'info....