Une seule année. 2 099 exemplaires. Un marché unique : les États-Unis. Et pourtant, la Porsche 912E oubliée du grand public captive aujourd’hui les puristes et les collectionneurs avertis. 912 E. Une appellation presque anonyme, camouflée entre deux icônes. Et pourtant, elle a tout d’une grande. Le chaînon manquant Printemps 1975. Mal née, la 914 agonise et s’apprête à tirer sa révérence. La 924 n’est pas encore prête. Les concessionnaires américains commencent à s’impatienter : ils n’ont plus rien à proposer entre une 911 de plus en plus chère, et… rien du tout. Chez Porsche, on prend une décision aussi audacieuse qu’éphémère : ressusciter la 912 de 1965 : mettre un petit moteur dans le corps d’une 911. Mais en version revue et corrigée pour les années 70. Son nom sera 912 E – le « E » pour Einspritzung, injection en allemand. Un modèle passerelle, pensé comme une solution provisoire. Mais avec Porsche, même l’intérim sent la passion.
Une 911… à moteur quatre cylindres
Vue de l’extérieur, la 912 E est une 911 série G pur jus : soufflets aux pare-chocs, ailes galbées, profil iconique.
Mais soulevez le capot arrière… et surprise : ce n’est pas le flat-six qui ronronne, mais un flat-4 2.0L dérivé de celui de la 914, lui même issu du combi Volkswagen. Mais retravaillé avec une injection Bosch L-Jetronic.
Le VW moteur 2.0 type 4, refroidi par air, sortait 100cv sur la 914 mais se retrouve dégonflé à 86cv sur la 912 E (pour des raisons de contrôle des émissions) tout en conservant un couple généreux à bas régime. Certes, ce n’est pas une fusée. Mais la 912 E n’est pas là pour en mettre plein la vue, elle est là pour conduire, tous les jours, sans se ruiner. Et sur ce terrain, elle excelle.
Un plaisir de conduite tout en nuances
Sur la route, la 912 E surprend. Son moteur, plus léger qu’un six cylindres, rend le train arrière moins imprévisible. Résultat : un comportement équilibré, presque bienveillant, qui pardonne davantage.
Les rapports s’enchaînent avec une boîte 5 vitesses manuelle, empruntée à la 911 (type 923). Le freinage à quatre disques est mordant, la direction sans assistance reste directe et communicative. Ce n’est pas un monstre de puissance, c’est un véhicule à savourer, un cruiser
Et surtout : c’est une Porsche, avec tout ce que cela implique.
Un intérieur de 911, une philosophie différente
À l’intérieur, la 912E offre le même poste de conduite que sa grande sœur. Les cinq compteurs, le volant, le levier court : tout y est. Le confort est sobre mais typiquement allemand, avec des options possibles comme les vitres électriques, la climatisation, voire un toit ouvrant.
Mais ce n’est pas le luxe qu’on vient chercher ici. C’est cette authenticité brute, cette connexion à la mécanique, pour une époque où une Porsche se méritait. Et dans cette équation, la 912 E trouve parfaitement sa place.
Une production aussi brève que décisive
La Porsche 912E est produite entre mai 1975 et juillet 1976, à seulement 2 099 exemplaires, tous pour le marché américain.
Ni plus, ni moins.
Pas de version cabriolet, pas de série spéciale, rien de superflu. Une parenthèse parfaitement maîtrisée dans l’histoire de Zuffenhausen.
Elle aura rempli son rôle avec brio : tenir la ligne en attendant l’arrivée de la 924, tout en conservant une cohérence de gamme. Mission accomplie.
Ce que les critiques en disaient… et ce qu’on en pense aujourd’hui
À sa sortie, la 912 E a été perçue comme… tiède. Ni aussi vive qu’une 911, ni aussi abordable qu’une 914. Pour certains, elle semblait n’avoir ni l’âme de l’une, ni la vocation de l’autre.
Mais avec le recul, le regard a changé.
Car aujourd’hui, la 912 E est devenue une pépite rare. Elle propose un accès à l’univers Porsche classique, sans les coûts d’entretien souvent prohibitifs du flat-six.
Elle est fiable, économique (9-11 L/100 km), et surtout : elle est unique en son genre.
Un bijou pour collectionneurs avertis
La 912E, ce n’est pas une simple Porsche vintage.
C’est une curiosité mécanique, un symbole de transition, un modèle passerelle entre deux mondes.
Sur le marché actuel, les beaux exemplaires s’arrachent entre 35 000 et 60 000 €, selon l’état, les options et l’historique. On peut en chercher en Europe, mais les collectionneurs savent qu’ils ont une pièce particulièrement rare sur le vieux continent. Les plus malins feront venir la leur depuis les USA, où le choix sera quoi qu’il en soit plus large.
Les modèles avec jantes Fuchs d’origine, toit ouvrant ou clim’ d’époque sont particulièrement recherchés. Coté moteur, l’injection a parfois disparu au bénéfice d’un ou deux carburateurs, plus faciles à vivre…
Et pour ceux qui cherchent une classique à vivre, pas juste à contempler sous une housse… difficile de trouver mieux.
Pourquoi elle mérite d’être redécouverte
La Porsche 912E, c’est l’outsider élégant.
Celle qu’on n’attendait pas. Celle qu’on ne comprend pas tout de suite, mais qu’on finit par aimer avec le temps, avec le volant entre les mains.
Elle a le look d’une 911, la simplicité d’une 914, et le charme discret de l’exception.
Pas de fioritures, pas d’esbroufe.
Juste une vraie Porsche, honnête et attachante, produite une seule année, pour un seul public.
Un collector né, sans jamais l’avoir cherché.
Source : AutoCollec