Le public est fasciné, la concurrence médusée. Abasourdis face à une cette “bombe”, certains constructeurs basculent même dans la résignation : pour eux, la messe sera dite. Et vite. Mais les choses ne se sont pas tout à fait passées comme cela. A la faveur d’une poussière dans le carburateur, d’un grain de sable dans les engrenages ou bien d’un rognon dans la soupe à l’oignon (barrez la mention laborieuse), chacun a remisé les requiem, non sans quelque soulagement. Cette histoire est celle des débuts de la DS.
N’oublions pas le capot en alu, la transmission à boîte hydraulique ou encore le pare-brise qu’il souhaite entièrement bombé, une nouveauté incroyable à l’époque et un challenge considérable pour le fournisseur Saint-Gobain. Magès est l’homme à la suspension, celui qui fera de la DS le tapis roulant que l’on connaîtra, une voiture dont le confort n’aura d’égal que la tenue de route. Poursuivons cette revue avec les freins avant à disques dérivés de la technique Jaguar, puis par ce dessin inimitable de Bertoni inspiré de la goutte d’eau. Il n’y a guère que par son moteur que la DS manque d’ambition.
Issu de la Traction, ce 4 cylindres culbuté ne peut faire valoir que sa culasse en alliage dotée de chambres de combustion hémisphériques. On est loin du six cylindres à plat étudié entre 1952 et 1954, mais qui fut abandonné sur ordre de Pierre Bercot. « Nous ne pouvons pas tout révolutionner d’un seul coup », aurait-il déclaré à ses subalternes, avant de leur demander d’améliorer la mécanique de Traction. Une technologie novatrice et mal maîtrisée Lancée prématurément, manquant de mise au point, la DS a réussi le tour de force impensable de décevoir ce public qu’elle aura tellement subjugué auparavant.
Cela semble invraisemblable, mais imaginez un instant les premiers clients faisant office de cobayes, bien malgré eux. Représentez-vous maintenant les concessionnaires et agents affrontant, liquéfiés et impuissants, la colère de leur clientèle, mais aussi cette technique novatrice que la plupart ne maîtrisent pas malgré les stages programmés par le constructeur. Face à cette situation préoccupante, la réaction de Citroën sera double. D’un côté, il y aura la mise en place d’une intense opération de fiabilisation (une modification par jour), de l’autre le lancement, en 1957, de l’ID, une DS de crise débarrassée de la plupart de ses sophistications, au moteur moins puissant et à la finition simplifiée.
Pour le coup, la concurrence est bien soulagée. Mais les choses pourraient bien évoluer en leur défaveur… La meilleure auto de grande série Baptisée DS 19 en référence à la cylindrée de son moteur (1 911 cm3), la nouvelle Citroën va peu à peu se tirer de cette ornière et, avec le temps, elle finira même par s’imposer, allant jusqu’à devenir la meilleure auto de grande série. Ses défauts de jeunesse, la DS les aura en grande partie éliminés fin 1961, un millésime qui a véritablement marqué l’envol commercial du modèle avec près de 70 000 exemplaires produits dans l’année. L’un des derniers changements d’importance est intervenu pour l’année 1962, alors que la jolie et très fragile planche de bord futuriste signée Bertoni est abandonnée au profit d’un tableau plus conventionnel mais plus cossu que le précédent.
Source : GAZOLIN / Hugues Chaussin-Antoine DUCROCQ