jeudi 25 janvier 2024

CLUB5A - LE SAVIEZ-VOUS ? - Rouler avec des pneus usés, une solution d’avenir ?

Selon Michelin, rouler avec des pneus usés permettrait de faire un geste pour la planète sans nuire à la sécurité. Le débat s’est engagé lors de la conférence «Les Ateliers du Pneumatique». Les automobilistes ont tendance à l’oublier mais les pneumatiques sont le seul point de contact d’une voiture avec la route. Pourtant, les acteurs du pneu se rejoignent sur le fait que les conducteurs n’accordent pas suffisamment d’attention à leurs gommes. 
Michelin casse les codes en annonçant que rouler avec des pneus plus usés peut s’avérer être une idée à creuser. Un manufacturier qui incite à ne pas changer de pneus, il faut le voir pour le croire! La loi interdit de circuler avec des pneus dont les rainures sont d’une profondeur inférieure à 1,6 mm. Mais en moyenne, les Français changent de pneumatiques lorsqu’il reste 3,1 mm. Un désastre écologique d’après Michelin. Si les automobilistes allaient jusqu’à la limite légale, cela permettrait en effet d’économiser 400 millions de pneus dans le monde, et près de 120 millions en Europe. Michelin ajoute que dans certaines conditions, un pneu usé est plus efficace qu’une gomme flambant neuve. 
Le manufacturier clermontois souhaiterait ainsi commencer des tests sur les pneumatiques ayant déjà un certain niveau d’usure. Malheureusement, Michelin était absent de la conférence «Les Ateliers du Pneumatique», où la marque devait débattre de ce sujet avec d’autres acteurs du pneu. Nous avons toutefois pu entendre l’avis d’autres manufacturiers. Chez Continental, on estime qu’il est primordial de prendre en compte les conditions d’utilisation des pneumatiques. Le climat et le type de véhicule conduit joueraient en effet un rôle important sur l’usure des gommes. Du côté de Nokian, on estime que le problème se situe au niveau de l’évacuation de l’eau. Ainsi, un pneu usé aurait une meilleure adhérence sur le sec, mais deviendrait dangereux sous la pluie. 
La marque finlandaise avance qu’entre 8 mm et 3 mm de profondeur de rainure, la dégradation des capacités du pneu en conditions humides est linéaire, mais que si on dépasse 3 mm, elle devient très brutale. L’équipementier allemand Continental partage ces explications et nous donne quelques précisions. Selon lui, les pneus usés, lorsqu’ils sont utilisés sur un sol sec, autorisent un meilleur freinage, disposent d’une résistance au roulement accrue et sont moins bruyants. Sous la pluie en revanche, les choses se corsent: les distances de freinage augmentent et l’aquaplaning surgit plus tôt. 
D’après Continental, tout est lié à la profondeur de la sculpture du pneumatique. Lorsqu’elle atteint 3 mm, les performances de freinage sur le sec ont progressé de 20 %, mais la capacité du pneu à faire face à l’aquaplaning a diminué de 30 %. La marque allemande nous explique que les lamelles de pneus neuves se déforment afin de balayer l’eau de pluie. L’espace entre les lamelles, lui, doit se remplir d’eau avant que le phénomène d’aquaplaning ne puisse intervenir. Or, des lamelles usées sont plus courtes et plus rigides. Elles se déforment donc moins, et l’espace entre elles est plus restreint. Ce qui explique pourquoi l’aquaplaning arrive plus rapidement lorsque notre voiture chausse des pneus usés. 
L’entreprise a effectué un test de freinage avec des pneus dont les rainures étaient d’une profondeur de 1,6 mm, à 125 km/h sur sol mouillé. Le verdict est sans appel: la distance est trois fois plus longue que si la voiture avait chaussé des gommes neuves. L’entreprise finlandaise Nokian estime qu’il n’y a pas d’augmentation significative possible en ce qui concerne les performances d’un pneu avec des rainures d’une profondeur inférieure à 3 mm. C’est de la physique. Le manufacturier propose ainsi une nouvelle solution pour informer rapidement les automobilistes de l’état de leurs pneumatiques. Ce système est baptisé «Driving Safety Indicator» (DSI). Des chiffres indiquant la profondeur de la rainure apparaissent ainsi sur le pneu, et disparaissent en fonction de son usure. 
Lorsque l’état du pneu commence à devenir préoccupant, une bande rouge se dessine sur la gomme. Entre 4 mm et 3 mm de profondeur de sculpture, un dessin de goutte d’eau apparaît sur le pneu. Lorsque ce croquis n’est plus visible, les performances du pneumatique sous la pluie ne sont plus garanties. Nokian estime que même si l’idée de Michelin permet potentiellement d’économiser 120 millions de pneus en Europe, il faut voir combien d’accidents cela risque d’engendrer. Après les deux manufacturiers, c’est au tour de trois autres acteurs du pneumatique de prendre la parole. 
Les centres d’entretien Profil Plus sont d’accord avec l’idée de Michelin. Selon eux, les pneus sont coûteux et ne représentent pas un achat plaisir. Les usagers ont ainsi envie d’en changer le moins possible. Profil Plus estime que l’environnement est une cause importante, et que travailler sur des pneus qui durent plus longtemps, c’est répondre à un souhait du consommateur. L’entreprise ajoute que les manufacturiers doivent innover pour toujours proposer des meilleurs produits. Chez Feu Vert, on pense que tester les réactions des pneus usés va dans le sens de la sécurité. 
La firme française avance toutefois que les pneus rendent généralement l’âme bien avant que la profondeur de rainure n’atteigne 1,6 mm. Les causes sont variées, mais on peut citer en exemple les déformations intérieures, très difficiles à identifier. Feu Vert ajoute que l’âge du pneu joue souvent un rôle tout aussi important que son usure. Il ne serait ainsi pas rare de voir des pneus craquelés, alors qu’ils ont peu servi. 
Chez Securitest, une entreprise dans le domaine du contrôle technique, on rejoint Feu Vert sur le fait que l’âge des pneumatiques les rend souvent inutilisables avant qu’ils atteignent la limite légale d’usure. La firme ajoute qu’elle a constaté que les automobilistes français sont de plus en plus réfractaires à dépenser de l’argent pour leur véhicule. Enfin, Profil Plus nous confie que si les usagers ne se rendent souvent pas compte de l’état de leurs pneumatiques, c’est en grande partie à cause des véhicules actuels surassistés. Mais ceci est un autre débat.
Source : lefigaro.fr -..UFC-Que Choisir